Ah je suis contente que Paul n'ait pas refusé l'opportunité qui se présentait à lui et ait choisi le violon Finalement, malgré le départ d'Augustine ( c'est tellement rude de la voir partir, s'éteindre une génération ), les choses s'organisent et tout va bien.
@pytisa pour savoir si Paul se fait des idées, c'est maintenant !
Voilà la suite qui a mis du temps à venir. Je mets sous spoilers car c'est plus long que d'habitude !
Chapitre 22
Le temps continuait de filer à Newcrest, et voilà que la petite Madeleine soufflait ses bougies.
Terminée la période des langes et des cubes en bois, voici une bien jolie petite fille qui n'eut de cesse que d'admirer son père.
Il fallait avouer que les enfants étaient fiers ! Tous les gens qui fréquentaient l'opéra vantaient les mérites du nouveau musicien, Paul Meunier. Après sa maîtrise du violon, acquise depuis tout gamin, il s'attaquait au piano et faisait des merveilles. Mais, Jean et Madeleine restaient son plus fidèle auditoire.
Jean n'était pas fâché que sa petite soeur soit désormais capable d'avoir de vraies conversations avec lui. Ce n'était pas qu'il en avait assez d'entendre parler de sa couleur préférée, son animal préféré, mais c'était monotone quoi ! Avec les parents qui travaillaient beaucoup, c'était précieux de pouvoir compter l'un sur l'autre.
Les disparus étaient toujours là dans un coin de la tête. Odette se dit qu'il allait être temps de planter des fleurs sur la tombe d'Augustine, assorties à celles de Joseph, ou du buisson et de la robe de sa belle-fille ? Le dilemme était là.
Certes Odette passait du temps au restaurant où elle travaillait, mais il ne serait pas dit qu'elle n'était pas une mère présente pour ses enfants. Et quand il fallait les discipliner, elle n'hésitait jamais. Il ne manquerait plus que Jean et Madeleine deviennent de petits sauvages mal-élevés... Son travail, sa maison, ses enfants et sa troisième grossesse, Odette menait tout d'une main de maître.
Marcel et Germaine passaient plusieurs fois par semaine. Germaine avait eu son bébé, un petit James ! Elle avait eu besoin de sortir la tête des vagissements de nouveau-né et s'était naturellement retrouvée devant la maison de Paul. Marcel semblait presque toujours là, n'avait-il pas une famille lui aussi ? Paul avait regardé d'un air offusqué Christian qui n'avait même pas pris la peine de boutonner sa chemise. Germaine s'intéressait plus à Marcel que ça n'avait vraiment pas l'air de déranger.
C'était vrai que ces derniers temps, Marcel passait plus de temps chez Paul que chez lui, mais ce n'étaient pas les enfants qui allaient s'en plaindre. Avoir Tonton Marcel qui restait avec eux pour dîner quand leurs parents étaient partis travailler, ils adoraient !
Même s'ils n'étaient jamais seuls le soir depuis que le majordome avait emménagé. Enfin Nestor avait beau être gentil, ce n'était pas tout à fait pareil.
Parfois Marcel restait même jusqu'à ce que son frère et sa belle-soeur soient rentrés, bien après le coucher des enfants, juste pour veiller sur eux. Ce soir-là, il leur annonça que Laura attendait un troisième enfant elle aussi. Pour une raison inconnue, la nouvelle fâcha Paul.
"Et tu as l'intention de laisser Laura élever trois gosses toute seule ou tu vas être plus présent avec elle ?"
"Dis-donc Paul, tu es bien placé pour me faire des remarques, rappelle-moi qui s'est occupé de faire faire leurs devoirs à TES enfants ce soir ?"
"Ce n'est pas ce que je t'ai demandé je te signales ! J'apprécie que tu t'entendent bien avec Jean et Madeleine, mais n'oublies pas Suzanne et Simone. Quitter le domicile tu fais ça un peu trop bien."
"Mes histoires ne te regardent pas !"
"Et Christian, ça le regarde ?"
Marcel ne répondit pas et partit en claquant la porte. Odette soupira. Ces deux-là passaient leur temps à ne jamais être d'accord sur rien... C'était à se demander comment ils pouvaient toujours s'entendre l'un avec l'autre !
Evidemment, Odette et Paul profitaient des moindre moments avec les enfants. Si le dîner se passaient bien rarement en famille, le petit-déjeuner était un rendez-vous familial quotidien.
Et si chacun attendait avec impatience l'arrivée du cinquième membre de la famille, Madeleine espérait secrètement un petit frère. Elle voulait rester la seule fille chérie de son père.
En sortant de chez eux pour aller faire la connaissance du bébé de Germaine, Paul, Jean et Madeleine tombèrent sur Suzanne, la fille aînée de Marcel. C'était devenu une vraie jeune fille, et elle intimidait franchement Jean ! Eux qui avaient pourtant été amis depuis le berceau, ils avaient même grandi dans la même maison jusqu'aux 7 ans de Suzanne.
Suzanne s'amusa du trouble de son cousin.
"Enfin Jean, ce n'est que moi ! J'ai pris quelques centimètres, j'ai changé de coiffure, mais je suis toujours moi. Aller, détends-toi !"
Et effectivement c'était bien la même Suzanne, Jean rit à son tour et lui donna une chiquenaude.
"Tu viens jouer chez moi ?" demanda sa cousine
"Non, je ne peux pas, on va rencontrer le petit cousin James avec Papa !"
"Papa y est déjà ! Bon, demain alors !"
Les enfants coururent directement rencontrer James, dans les pas d'Howard. Marcel était au salon. Paul qui se retrouvait seul avec sa soeur décida d'en profiter pour partager ce qui le tourmentait depuis plusieurs jours.
"Tu sais que Laura est à nouveau enceinte."
"Oui, Marcel me l'a appris, c'est une belle nouvelle !"
"Je ne sais pas Germaine, j'ai un mauvais pressentiment, j'ai peur que Marcel ne fasse souffrir Laura..."
"De quoi parles-tu Paul ?"
"Je parle de Christian..."
Et l'air sérieux sur le visage de Germaine dit à Paul qu'elle voyait très bien de quoi il parlait.
"Tu te rends compte, l'autre jour chez Marcel, il prenait les mains de Christian et le regardait comme... comme je regarde ma femme !"
Germaine éclata de rire, et Paul se fâcha.
"Je ne plaisante pas, je te jure que je les ai vus !"
"Je sais Paul, mais franchement, je suis soulagée de plus être la seule à le savoir, c'est tout. Je ne compte plus les fois où je les ai vus s'embrasser lors des fêtes qu'Howard donne. Ils se croient discrets, mais franchement..."
"Mais alors... Tout le monde le sait ? Et Laura passe pour une idiote aux yeux de toute la ville ?"
"Non je ne crois pas Paul. Ce n'est pas si évident que ça, c'est juste que nous sommes suffisamment proches de notre frère pour voir les signes."
"Qu'allons-nous faire alors ?"
"Rien, Paul, nous n'allons rien faire. Ce ne sont pas nos affaires. Marcel semble heureux, c'est tout ce qui importe."
"Et Laura, Suzanne, Simone, le bébé à naître ?"
"Tu réfléchis trop Paul !"
"Je vais parler à mon frère !"
"Vas rencontrer mon fils avant !"
Oui, c'était pour ça qu'il était venu au final, alors il se dirigea vers la nursery. Paul avait toujours aimé les bébés, cette petite odeur de talc et de lait...
"Bienvenue dans la famille petit gars. Ce n'est pas simple tous les jours en revanche !"
Howard s'occupait des enfants et ils avaient l'air de bien s'amuser. Paul ne savait pas trop ce qu'il allait dire à son frère, mais il se sentait un devoir de lui parler. Alors il prit une grande inspiration et entra dans le salon, talonné par sa soeur.
Marcel semblait content de les voir. Paul décida de s'asseoir à ses côtés.
Paul ne savait pas comment aborder le sujet, alors il décida de ne pas y aller par quatre chemins.
"Marcel, ça va te paraître brutal, mais j'ai besoin d'une réponse. Est-ce que Christian et toi vous êtes... enfin, est-ce que vous êtes... amoureux l'un de l'autre ?"
Le visage décomposé de Marcel montra tout de suite que son frère et sa soeur avaient visé juste.
Ah ça non, il ne s'y était pas attendu...
"Je pensais que personne ne saurait jamais rien. Si les gens l'apprennent, nous allons avoir de gros ennuis ! Je vous en supplie, ne le dites à personne, on est toujours restés discrets !"
"On n'est pas là pour te dénoncer !" le rassura Paul "Mais explique-moi, j'ai besoin de comprendre..."
"Il n'y a rien à comprendre... Je n'ai jamais été amoureux de Laura je crois. Nous sommes de très bons amis tous les deux, mais je n'ai jamais ressenti d'amour pour elle. Quand j'ai eu 21 ans et que les parents m'ont dit qu'il fallait que je me maries, j'ai choisi la fille que j'aimais le mieux, celle avec laquelle il m'était possible de passer le restant de mes jours. Elle est gentille, drôle, on s'est toujours bien entendus, ce n'est pas un mensonge ! Simplement c'est à la guerre que j'ai compris, quand j'ai rencontré Christian, j'ai ressenti des sentiments inconnus. C'était ça l'amour finalement, ça que tu ressentais pour Odette, ce besoin d'être avec quelqu'un, cette impossibilité d'en être séparé. C'est quand je te voyais écrire à ta femme que j'ai compris que je n'étais pas amoureux de la mienne... Plus compliqué encore, ces sentiments je les avais enfin, mais pour un homme ! C'était inconcevable, je n'étais pas normal. Alors j'ai décidé de rester en Europe pour réfléchir, je ne savais pas quoi faire de moi. Et contre toute attente, j'ai découvert que Christian avait les mêmes sentiments que moi. Si tu savais à quel point ça m'a rendu heureux, j'étais si misérable auparavant ! Nous avons vécu des années formidables avec des gens qu'on ne choquait pas, le monde l'art, nous n'étions même pas les seuls, c'était fou. Et puis à nouveau j'ai été malheureux, Laura m'attendait, j'avais une fille que je ne connaissais pas, vous me manquiez. C'est Christian qui m'a convaincu de rentrer, il ne supportait plus de me voir dans cet état je crois. Nous avons décidé de rentrer ensemble et de vivre notre relation cachés. Il n'y avait pas d'autres moyens d'honorer mes responsabilités, celles que j'avais prises en me mariant comme Papa et Maman le voulaient. Laura n'avait rien demandé et ma fille non plus, je ne pouvais pas les abandonner, mais je ne rentrais pas de gaité de coeur. Et il n'était pas question de renoncer à cet amour que j'avais enfin découvert. C'était la seule façon, tu comprends !"
Paul était abasourdi.
"Toutes ces années, et tu ne nous a jamais rien dit ? Enfin Marcel, je croyais que nous étions proches ?!"
"Il fallait que personne ne sache Paul, même pas toi ! Et puis quand je suis rentré tu étais devenu ce chef de famille qui régentait et jugeait tout ! Honnêtement je ne pensais pas que tu comprendrais... Je croyais que tu trouverais notre histoire répugnante."
"Non, je ne comprends pas effectivement, et non je n'ai pas tellement envie d'y penser. Je ne suis pas à l'ai..."
Marcel se leva furieux et le coupa.
"Tu vois, c'est pour ça que je n'ai rien dit ! Je savais que tu trouverais ça abject, deux hommes ensemble ! Tu es fermé Paul ! Petit esprit, petite ville, et tu te crois plus intelligent que tout le monde !"
Ce fut au tour de Germaine d'intervenir, elle qui s'était tue depuis le début.
"Ce n'est pas ce que Paul a dit, Marcel, et je suis sûre que ce n'est pas ce qu'il pense !"
"J'étais certain que tu allais être mon côté Germaine, et c'est lui que tu défends ? Alors que je t'ai toujours soutenue quand tu étais amoureuse d'Howard et que notre hurluberlu de frère t'interdisait de le voir ? C'est la meilleure ça..."
"Ca suffit Marcel ! Je ne défends personne, je suis de votre côté à tous les deux, et j'aimerais qu'il s'agisse du même. Je t'aime et je veux que tu sois heureux, c'est vraiment tout ce qui m'importe. Paul t'a laissé parler sans te couper, je te demandes juste d'écouter ce qu'il a à te dire, sans t'énerver !"
"Merci Germaine" intervint Paul "Ce que je voulais dire, c'était effectivement à peu près la même chose. Je suis un peu vexé que tu ne m'aies pas fait assez confiance pour me raconter tout ça avant, mais je crois que je peux comprendre ton point de vue. Je ne suis pas toujours un homme facile à vivre, mais toi non plus ! Cependant, ça va au-delà d'imaginer deux hommes ensemble, ce que je ne souhaite pas faire... Je ne comprends pas que tes sentiments aillent vers un autre homme, mais je comprends l'amour que tu décris. Car je me rappelles bien de cette époque où Odette et moi nous aimions en secret de nos parents. Je ne crois pas qu'un rejet de leur part nous aurait empêcher de nous aimer, je pense que nous serions simplement partis nous aimer ailleurs. Alors, si la question est de savoir si j'ai l'intention de te rejeter à mon tour, la réponse est non."
Marcel se contenta de regarder son frère, sans un mot. Il ne s'était pas attendu à une acceptation de sa part, c'était une réelle surprise, et un soulagement. Oui, c'était fichtrement plus léger de savoir qu'il n'avait plus à mentir à son frère et sa soeur... Juste à sa femme, mais sa femme, il pensait bien qu'elle le savait au fond d'elle, même si elle n'en disait rien. D'ailleurs chaque fois qu'il pensait qu'elle avait deviné quelque chose, il lui faisait un bébé. Ca rend les femmes heureuses les bébés, non ? Enfin ça, Paul n'avait pas besoin de le savoir pour le moment, il risquerait tout de même de l'enguirlander ! Chaque chose en son temps...
Paul se leva, à cet instant, Marcel n'était plus le grand frère donneur de leçons, celui qui ne pensait qu'à lui et voulait attirer tous les regards. Il était à vif, toutes fragilités dehors, et Paul sentit le besoin de le rassurer, il lui ouvrit grands ses bras. Est-ce que c'était leur première vraie étreinte depuis l'adolescence ? La première sans secrets inavouables et vagues soupçons qui planaient au-dessus ? Oui tout-à-fait.
Sur ces serments silencieux, Paul alla récupérer ses enfants qui commençaient à s'agiter, il avait une femme, enceinte jusqu'aux yeux, à retrouver et à embrasser. Puisqu'eux avaient la chance de ne plus jamais avoir à se cacher.
C'est un chapitre magnifique que tu nous offres, Lilyluciole
Bouleversant, plein d'amour... et de regret aussi.
Je me demande si réellement Laura a saisi tout ça, et si oui comment elle vit ainsi, comment elle y arrive... Quelque part, j'espère que son mari se trompe et qu'elle ne sait rien et en même temps, je ne trouve pas juste qu'elle ne sache pas que son mari ne l'aime pas Elle aussi a le droit d'être aimée ... pfiou... je suis toute tourneboulée, moi. J'adore!
La lecture de votre histoire m'a tenue hors d'haleine! Je viens de passer plusieurs heures à en faire la lecture et comme vous je me suis attaché aux enfants de Joseph et Augustine. Nous leur souhaitons d'être heureux avec leurs familles respectives (qui deviennent de plus en plus nombreuses!) Au bonheur de continuer à lire les péripéties des Meunier au Canada 😃
@pytisa Merci, c'était pas si évident de ne pas tomber dans le cliché total, de ne pas parodier Brokeback Mountain, et d'essayer de prendre en compte l'époque dans laquelle ça se passe. Je voulais que Paul et Marcel restent proches comme ils ont toujours été, sans que Paul n'accepte trop non plus.
Peut-être que je ferai un petit chapitre sur le foyer de Marcel, tiens ! Voir comment ça se passe et comment Laura et les filles ressentent la double vie de Marcel
@Jadis Merci beaucoup ! Peut-être peut-on se tutoyer ? C'est plus l'usage sur les forums Hors d'haleine, à ce point ? Ravie que ça t'ai plu !
J'ai vraiment beaucoup aimé l'histoire, tout est très bien dosé !
Juste un bémol : quelques anachronismes dans les costumes/coiffures d'époque. Mais l'histoire est si bien amenée qu'on passe au-dessus.
@Zolena Merci à toi. J'avoue pour les vêtements ce n'est pas hyper évident, même avec quelques CC. Avec tous les sims qui traînent dans le coin à rhabiller, et le nombre de tenues pour chaque sim depuis les saisons, ça demande de passer un temps fou dans le CAS et d'avoir une variété de vêtements d'époque bien plus importante. Comme je préfère largement jouer que de passer une heure dans le CAS, j'avoue que je choisis un truc qui passe et zou
@pytisa Ah ah, je l'ai fait du coup ! Ce sera pour la prochaine MAJ, là j'ai encore d'autres screens à écouler !
Episode 23
Les deux enfants s'entendaient toujours aussi bien. C'était un vrai bonheur pour Paul qui savait bien tout ce que signifiait "pouvoir compter sur ses frères et soeur". A table, il avait bien du mal à en placer une.
Sauf quand il lui arrivait de manger en tête-à-tête avec Madeleine, sa fille le harcelait de questions sur l'orchestre, elle voulait tout savoir de ce que faisait son père lorsqu'il n'était pas à la maison.
Et puis à force d'être gonflée comme une montgolfière, Odette finit par donner naissance à une jolie petite fille. C'était une petite Lucienne, qui vint agrandir la famille Meunier.
Mais comme parfois une vie doit se troquer contre une autre, il arriva un terrible accident le jour-même. Le bon Nestor, qui prenait tant soin des enfants, s'électrocuta en essayant de réparer le gramophone cassé... Heureusement que Jean et Madeleine étaient à l'école et n'eurent pas à assister à ça.
Le petit incendie qui suivit n'était guère que matériel.
La maison canadienne des majordomes en envoya un nouveau immédiatement, Norbert, qui prit tout de suite ses fonctions très à coeur. Il n'avait pas l'air tout jeune, il fallait espérer qu'il n'allait pas passer l'arme à gauche à son tour...
Les enfants étaient évidemment très tristes de ce qui étaient arrivé, mais s'attachèrent très vite à Norbert. Il y avait des semaines où ils passaient plus de temps avec le majordome qu'avec leurs parents.
Mais peu importe l'heure tardive à laquelle ils rentraient, Paul et Odette allaient toujours s'assurer que Jean, Madeleine et Lucienne étaient bien bordés en arrivant.
Entre Norbert, Augustine et Joseph, on ne pouvait pas dire qu'Odette et Paul étaient débordés par les tâches ménagères. Ils avaient la chance de n'avoir guère qu'à profiter de leurs enfants pendant leur temps libre. C'était un vrai luxe et ils en étaient conscients.
C'est ainsi qu'une autre bonne nouvelle arriva. La famille allait s'agrandir à nouveau... Odette était un peu nerveuse d'avoir deux grossesses si rapprochées et de mettre au monde des enfants avec lesquels elle ne passait pas autant de temps qu'elle aurait dû.
Mais Paul était aux anges. Sa belle femme pouvait bien lui faire autant d'enfants qu'elle le voulait, il savait qu'ils seraient tous parfaits comme les premiers. Et puis ils avaient géré jusque là, ils allaient bien continuer, la machine était désormais bien huilée ! La confiance de Paul réconfortait un peu Odette. Oui finalement, pourquoi pas, un petit quatrième ?
Germaine passa les voir pour leur annoncer qu'elle était à son tour, à nouveau enceinte. A ce rythme-là, les Meunier allaient peupler le Canada tout entier ! Evidemment, cette grossesse fut bien mieux accueillie que la précédente.
Du côté des enfants, Jean était un petit homme studieux et indépendant. Il n'y avait jamais rien à redire.
Madeleine était un petit rayon de soleil, toujours souriant.
Et Lucienne... On ne savait pas encore trop ce que Lucienne serait, mais elle avait grandi bien vite et était prête à découvrir le monde sur ses deux petites jambes.
Puis arriva le jour de l'anniversaire de Jean. Marcel était venu pour soutenir son frère qui prenait un petit coup de vieux. Voir son petit garçon devenir grand, c'était tout de même une étape. Paul l'embrassa pour le féliciter, Laura avait mis au monde un petit garçon la nuit dernière, bienvenue au petit Georges. Après deux filles, ça allait leur changer à Marcel et Laura !
Et voilà notre grand Jean, qui essaie d'apprendre à jouer aux échecs avec sa soeur.
Odette se retrouva seule à la cuisine avec son beau-frère. Elle le félicita à son tour pour la naissance, et demanda des nouvelles de Laura. Odette était passée dans la matinée chez Marcel, voir si Laura avait besoin de quelque chose, et elle lui avait trouvé bien petit moral. Sûrement la fatigue de l'accouchement répondit Marcel, mais il se promit d'être plus attentif.
Il fit part de ses inquiétudes à son frère.
"Paul, as-tu dit quelque chose à ta femme à propos de notre conversation de l'autre jour?"
"Hein? Certainement pas, cela ne nous regarde pas, je ne crois pas qu'il soit bon d'ébruiter tout cela. Ce sont tes affaires Marcel, uniquement les tiennes."
"Merci... Odette dit que Laura lui a semblé triste ce matin, je n'ai rien vu. J'espère qu'elle se fait des idées, tout allait bien jusque-là !"
"Rentre chez toi Marcel, c'est gentil d'être venu pour l'anniversaire de Jean, mais il est temps que tu retrouves femme et enfants. Demande à ta femme comment elle se sent au lieu de te faire des idées. J'ai rencontré Mary au marché l'autre jour, elle me disait que leur père n'allait pas très bien. Peut-être que Laura s'inquiète pour lui."
"Tu as raison, je vais rentrer chez moi. Laura doit être épuisée de toutes manières."
En rentrant du travail quelques jours plus tard, Odette annonça qu'elle avait été licenciée. La crise avait finit par arriver à Newcrest, le fameux crash boursier de New York qui faisait effet boule de neige partout dans le monde. Tout le monde avait perdu plus ou moins d'argent et les entreprises se voyaient obligées de se séparer d'un certain nombre d'employés. C'était le cas d'Odette. Paul était confiant, ils allaient faire attention à leurs dépenses, mais ils s'en sortiraient, ils ne faisaient pas partie des familles les plus en difficultés. En revanche il prit la décision de se séparer de Norbert. Maintenant qu'Odette allait être à la maison toute la journée, ce n'était plus que dépense superflue !
Avec Lucienne si jeune encore, et le petit quatrième qui s'annonçait, c'était peut-être même une bonne chose qu'Odette se retrouve mère au foyer, elle ne risquait pas de s'ennuyer.
Madeleine avait bien compris ce que cela signifiait : toutes les tâches ménagères pour Maman, qui était déjà bien épuisée par sa grossesse. Jean restait assis, comme tout jeune homme qui se respecte, mais Madeleine mettait la main à la pâte. Solidarité féminine.
Et la nuit venue, voici notre Augustine, qui semble bien triste de ne pas avoir eu le temps de faire la connaissance de tous ses nombreux petits-enfants...
Quand vint le 11 novembre, Jean expliqua à sa soeur qu'il s'agissait d'un jour férié en France, là d'où ils venaient, pour célébrer l'armistice de 1918. Madeleine avait déjà entendu parler de la guerre, elle savait que son papa y avait été, mais c'était tout.
Jean lui raconta ce que Paul lui avait déjà raconté. Que grand-père, papa et oncle Marcel étaient tous partis se battre en France, avec oncle Maurice aussi, qui était le papa du cousin Jacques. Oncle Maurice était mort à la guerre. Jean lui, était né pendant cette guerre, pendant que papa était loin, Suzanne aussi. C'était beaucoup d'informations d'un coup pour Madeleine, qui trouvait cette histoire bien triste ! Papa avait un frère qui était mort ?!
Elle essaya de retranscrire tout ça pêle-mêle à sa petite soeur, qui ne sembla pas du tout voir où Madeleine voulait en venir !
Ce jour-là, les enfants n'allèrent pas à l'école, même si ce n'était pas férié au Canada. C'était le jour du souvenir, alors on se souvenait et on profitait de la famille qui nous restait, c'était tout.
Odette prenait de plus en plus de volume, Jean en était impressionné. Il avait beau savoir qu'il avait un jour été là lui aussi, ça paraissait tout à fait impossible. Sans parler d'imaginer comment sa mère allait faire sortir ce bébé qui prenait tant de place. Aaaargh, non, n'y pensons pas !
Odette n'avait pas peur de l'accouchement, c'était quand même le troisième ! Mais elle commençait à avoir hâte que la grossesse se termine, ça pesait lourd là-dedans !
Même si Paul était plein de sollicitude pour sa femme adorée, honnêtement, elle n'en pouvait plus !
"Tu sais mon chéri, je sais que tu as dit que tu voulais bien tous les bébés que je pourrais te faire, mais... Peut-être pourrait-on décider que celui-là pourrait être le dernier, non?"
"Tout ce que tu voudras ma femme chérie. Mais parfois les bébés ont tendance à venir sans prévenir... Ce qui est d'ailleurs le cas de celui-là. On pourrait... essayer de faire attention."
"Mais si je te regarde bien, je ne peux rien promettre tu sais !"
Devant le regard amoureux de son mari, Odette avait déjà fondu. Oui, ils pouvaient bien essayer de faire attention, mais ce serait un coup de chance qu'elle ne se retrouve pas à nouveau enceinte !
D'un autre côté, leur vie était belle, ils étaient toujours fous amoureux, ils avaient des enfants en bonne santé, une grande maison. De quoi se plaignait-elle ?
Ah... de ça peut-être ! Si Paul se mettait à lui des bébés par deux maintenant... Bienvenue à Ernest et Léonard, le petit quatrième qui se trouve accompagné du petit cinquième. Bon courage Odette !
Il semblerait que Lucienne ait hâte de jouer avec ses petits frères !
Il n'est pas beau ce grand Jean ? Je sens que je vais avoir du mal à choisir mon prochain héritier moi ! Enfin on verra qui survit à la prochaine guerre déjà, ne mettons pas la charrue avant les boeufs.
Voilà le premier de deux petits épisodes un peu à part, puisqu'on laisse momentanément Paul et les siens pour découvrir comment se passe cette drôle de cohabitation chez Marcel.
Episode 24
Un petit garçon était né chez Marcel et Laura, on l'avait prénommé Georges et il était chéri de ses soeurs et ses parents. Suzanne était maintenant assez grande pour aider sa mère, et c'était grandement apprécié.
Ils avaient une petite vie tranquille, Laura s'occupait de sa maison et les filles lui tenaient compagnie pendant que Marcel travaillait dans l'annexe. Il passait des heures à peindre pendant que Christian composait sa musique. Parfois il passait aussi de longues journées dehors pour aller vendre ses tableaux à des marchands d'art. Et quand il rentrait, il retrouvait une chaleureuse maisonnée bien tenue et des petites filles souriantes.
Il ne voyait pas toujours les heures passer, concentré sur son travail, alors une fois le dîner sur la table, Laura allait le chercher dans l'atelier.
La déception était évidente sur son visage lorsqu'elle se rendait compte qu'il ne viendrait pas dîner avec ses trois petites femmes ce soir. La plupart du temps ils avaient une petite vie de famille parfaite, mais pas toujours... Et ce soir, Marcel avait visiblement décidé de rester dîner avec son ami Christian, qui vivait sur leur terrain mais à qui on avait aménagé un petit appartement privatif à l'étage de l'annexe qui servait d'atelier à Marcel.
Les deux hommes passionnés par leur art étaient parfois dans leur petit monde où personne ne pouvait réellement les atteindre. Et il arrivait à Marcel d'oublier que sa famille l'attendait avec impatience dans la maison.
Alors les femmes de la famille dînaient sans leur homme, et Laura essayait de détendre l'atmosphère pour que ses filles oublient leur déception...
Suzanne et Simone vouaient un amour sans limite à leur père, il était leur héros, comme pour beaucoup de petites filles. Lorsqu'elles rentraient de l'école, il n'était pas rare qu'elles le rejoignent à l'atelier pour faire leurs devoirs et passer du temps avec lui. Parfois il y était seul, souvent il y avait Christian ou l'oncle Paul.
C'était toujours des moments plein de joies et de vie lorsque les filles étaient à l'atelier, elles remplissaient la pièce de leurs rires. Christian avait beaucoup d'affection pour ces enfants qu'il avait vu grandir. Il prenait volontiers de son temps pour leur enseigner la musique.
L'atelier, c'était ce petit endroit préservé, un peu hors du monde. C'était comme si on y autorisait tout un tas de choses, et ça ne sortirait jamais de ces quatre murs. Comme boire des jus de fruits pour adultes alors que Suzanne n'était pas encore majeure. Mais personne ne disait rien.
C'était un nid douillet et plein d'amour, qui inspirait la création de superbes oeuvres d'art.
Et lorsque les filles rentraient dans la maison pour aller jouer avec Georges, ou raconter leur journée à leur mère, avant de retrouver son foyer Marcel passait un peu de temps à l'étage avec Christian, et là aussi c'était plein d'amour.
Parfois le temps filait et il s'endormait à côté de l'amour de sa vie, car oui c'était bien ce que c'était. Dans cet endroit il n'y avait plus qu'eux deux. Parfois il s'endormait simplement après avoir passé du bon temps dans le lit de Christian, mais souvent il s'assoupissait juste après avoir passé des heures à refaire le monde. Et Christian le laissait dormir un peu juste pour le plaisir d'entendre sa respiration paisible à côté de lui. Et puis il le réveillait.
Car jamais Marcel n'y passait la nuit. Quand il rentrait très tard, il ne manquait jamais d'aller embrasser ses filles.
Avant d'aller se coucher auprès de sa femme qui l'attendait.
Et puis vint ce jour tant redouté où Laura apprit le décès de son père, il était bien vieux et veuf depuis des années. Elle savait que ça allait arriver un jour, mais ça n'était pas moins douloureux.
Marcel fut vraiment attristé par cette nouvelle, il aimait beaucoup Charles et savait toute l'affection que Laura lui portait. Désormais il était le seul homme de la vie de Laura. Il n'était peut-être pas toujours à la hauteur mais il savait qu'il allait être là pour elle. La vie de Marcel était compliquée, cependant il aimait sincèrement sa femme. Peut-être pas de cet amour qui lie habituellement mari et femme, mais elle restait une part importante de sa vie.
Laura avait un mari parfois un peu absent, absorbé par d'autres choses qu'elle ne comprenait pas toujours. Il rêvait peut-être souvent de voyages, d'Europe, mais il était là auprès d'eux, chaque matin il se réveillait à ses côtés. Et elle savait qu'elle pouvait compter sur lui. Se serrer contre son Marcel, ça lui donnait la force d'avancer lorsque la vie n'était pas tout à fait ce à quoi elle avait aspiré.
C'était un coup dur pour les filles aussi qui perdaient leur dernier grand-parent. Aujourd'hui, Marcel savait qu'il n'irait pas à l'atelier, il allait endosser le costume qu'il oubliait souvent au placard, celui de chef de famille.
Car Marcel savait être un formidable homme de la maison lorsqu'il s'en donnait la peine. Ce n'était juste pas la vie à laquelle il avait rêvé. Mais c'était celle qu'il avait. Et l'amour qu'il portait à Laura, Suzanne, Simone et Georges faisait qu'il arrivait à s'en accommoder.
Georges avait bien grandi et réclamait à son tour l'attention de Papa.
Marcel pouvait être fier de sa famille, il avait fait trois gentils enfants.
Pendant l'enterrement de Charles, Christian était venu garder le petit Georges. Il se tenait en retrait mais sentait la tristesse qui régnait ces jours-ci dans le foyer, il ne pouvait pas faire grand chose alors pour se sentir utile, il rangea la maison.
Les soeurs de Laura vinrent passer la fin de journée chez elle, c'était dur pour les trois. Mais c'était bien de se retrouver ensemble et de se souvenir de leurs jours heureux d'enfants. Charles avait été un père formidable.
Carrie allait être maman pour la première fois, la vie continuait c'était toujours ainsi...
Les petits, c'était toujours ce qui aidait à continuer lors de la perte d'un être aimé, Suzanne aussi l'avait bien compris et les rires de son petit frère étaient un vrai baume sur son coeur blessé.
Marcel était sorti quelques minutes. Jouer à l'homme fort pour protéger ceux qu'il aimait avait épuisé toutes ses forces ces derniers jours. Il avait besoin de respirer. Il regarda par la fenêtre de la chambre des enfants, tout était sous contrôle, il pouvait s'échapper un peu.
Il aurait pu aller prendre un verre chez Marcel ou Germaine, mais ce n'était pas de ce réconfort-là qu'il avait besoin. Il voulait quelqu'un qui le prenne dans ses bras, l'embrasse et lui dise qu'il pouvait à son tour laisser aller sa peine.
Et parfois évacuer le chagrin de la perte de quelqu'un prenait des formes un peu inattendues. Mais personne n'était là pour juger.
Et au petit-déjeuner Marcel se sentait à nouveau capable d'être l'épaule sur laquelle sa famille pouvait s'appuyer.
Laura et Marcel passèrent du temps avec Suzanne, elle avait besoin de parler de son grand-père. Elle s'était réfugiée dans le déni en s'occupant de Georges, mais tout ça la rattrapait. Ses parents lui expliquèrent qu'il était important de laisser son chagrin s'exprimer, même si c'était douloureux, qu'ils étaient là pour elle si elle avait besoin. C'était important de les voir faire front commun pour aider leur fille.
Christian était passé chercher un livre et il trouva Marcel et Laura en grande discussion.
"Tu te souviens de ton père à notre mariage ?"
"Il était venu torse-nu ! Je ne sais pas ce qu'il lui a pris..."
"Tu étais furieuse !"
"Il y avait de quoi. Et puis j'ai fini par comprendre que c'était tout lui, n'attacher aucune importance à ce qu'on portait mais être présent. Il était tellement heureux de me voir m'installer. Tu sais, Papa t'a toujours trouvé un peu excentrique, mais il savait que tu prenait bien soin de ta famille et il t'aimait pour ça."
Christian n'avait absolument aucun droit d'être jaloux de Laura, elle était la femme de Marcel, elle avait tous les droits. C'était plutôt Laura qui aurait pu être jalouse si elle avait su que l'endroit où son mari était le plus heureux était dans les bras de Christian. Mais parfois il était tout de même un peu jaloux. Jaloux de cette complicité qui les unissait depuis l'enfance, qu'ils pouvaient montrer au grand jour. Il prit son livre et parti discrètement dans l'atelier, le coeur lourd.
Ils ne l'avaient même pas vu...
Il n'y avait rien de feint dans cette affection qui les liait. Elle avait commencé il y a des années, lorsqu'ils avaient huit ans et se faisaient des blagues en rentrant de l'école, et elle perdurait.
Si Marcel n'avait jamais rencontré Christian, il aurait sûrement cru que c'était ça l'amour, de pouvoir rire de tout avec quelqu'un et de partager des moments que personne d'autre ne pouvait comprendre. Oui, si seulement il n'avait pas découvert qu'il existait autre chose, quelque chose qui faisait exploser son coeur en mille feux d'artifices, qui parfois lui donnait envie de tout plaquer et de s'enfuir à deux très loin.
Christian faisait ce même rêve de temps à autre, il en sortait des mélodies incroyables, qui faisaient battre son coeur plus fort. Des requiem parfois aussi, lorsqu'il s'endormait seul une fois de plus. Ce n'était pas ça le bonheur, mais est-ce qu'ils avaient le choix ?
J'avais loupé l'épisode 23 et les Meunier, qui effectivement ont décidé de repeupler tout le Canada
Qu'elle est mignonne, la petite Lucienne et bienvenue aux nouveaux petits gars de la famille (courage, avec tout ce monde à la maison et plus de majordome - la crise, oui, fait des ravages)
J'ai vraiment beaucoup aimé le jour du souvenir et le partage sur la passé des aînés aux plus petits. C'était très émouvant
Un superbe chapitre et ah oui, j'oubliais, c'est sûr qu'il est bien beau ce grand Jean
Le chapitre 24 est époustouflant. J'ai adoré ces destins croisés qui pourtant vivent sous un même toit, ces amours qui se vivent en parallèle. Ne rien savoir, c'est l'illusion du bonheur mais sans doute est-ce mieux que la réalité de la trahison si Laura savait... Finalement, ils sont heureux tour à tour mais jamais en même temps c'est magnifiquement raconté, j'ai adoré
@pytisa j'ai vraiment adoré faire ce petit HS sur la famille de Marcel ! J'en ai un peu regretté de ne pas en avoir fait mon héritier. J'ai longtemps hésité entre lui et Paul. Maurice et Germaine n'ont jamais vraiment été dans la course Mais du coup je suis contente d'avoir été jouer avec eux, et approfondi ce qui ne devait être qu'une idée esquissée en arrière-plan, que le lecteur comprendrait s'il le voulait.
Voilà donc la deuxième et dernière partie du HS chez Marcel et Laura (et Christian)
Episode 25
Le temps avait passé et les blessures étaient moins vives. Ce jour-là c'était dimanche, jour à passer en famille par excellence.
Et la famille répondit présente. Jean n'avait pas eu beaucoup de temps pour venir réconforter sa cousine et confidente de toujours, mais il comptait bien se rattraper.
Tante Germaine était là aussi, pour dérider les enfants il n'y avait pas meilleure qu'elle !
Suzanne avait tout un tas de choses à demander à son cousin. Elle essayait discrètement d'obtenir des informations sur un de ses amis, mais évidemment Jean n'était pas dupe. Suzanne s'intéressait à un garçon...
Simone les avait entendus rire un peu fort et elle aussi voulait être dans la confidence, elle essaya de faire parler son cousin. Mais Jean ne lâcha rien.
"On en reparlera quand tu seras plus grande !" se moqua-t-il
Non mais il n'allait pas trahir Suzanne non plus !
Il n'y a pas de jour chômé quand on est artiste et Marcel et Christian avaient passé toute la matinée à l'atelier. Tout à coup Marcel entendit Laura s'emporter dehors, il sortit voir ce qu'il se passait.
Elle passait un savon à Georges qui se comportait mal. Quand Marcel la questionna pour savoir ce qui lui prenait, elle qui restait toujours si calme, elle lui décocha un regard noir. Georges ne comprenait rien et Marcel non plus, alors il proposa un après-midi au parc, pour détendre tout le monde.
Simone était ravie de jouer avec sa cousine Madeleine.
Howard, le mari de Germaine les avait rejoint également. C'était bien d'habiter une petite ville, ils n'étaient jamais bien loin les uns des autres. Mais Laura était toujours tendue, elle décida de partir s'isoler. Elle connaissait mal Howard, ce n'était sûrement pas à lui qu'elle allait se confier ! D'ailleurs, il y avait-il quelqu'un à qui elle pouvait confier ce qu'elle avait vu ?
Ne se doutant pas de la tempête qui ne demandait qu'à lui tomber dessus, Marcel passait innocemment du bon temps avec ses enfants. Ce qu'il pouvait être aveugle parfois...
Christian, lui, avait bien remarqué que quelque chose ne tournait pas rond avec Laura. Lorsqu'il la vit s'éloigner du reste de la famille, il décida de la suivre. Elle n'était pas dans son assiette, il ne savait pas pourquoi mais peut-être avait-elle envie de se confier ? Il ne l'avait jamais vu comme une rivale, elle et lui ne se battaient pas pour la même place dans le coeur de Marcel, et puis d'ailleurs elle n'était au courant de rien. Normalement.
Enfin, c'était ce qu'il croyait... Car Laura n'était pas ravie de le voir arriver, il était même la dernière personne qu'elle voulait voir ! Et elle, d'habitude si calme et souriante, décida de le lui dire.
"Je ne veux plus de toi chez moi Christian ! Je t'ai accueilli pendant des années et je m'aperçois que je suis le dindon de la farce !"
"Je... enfin, je ne vois pas de quoi tu parles..."
"Ne fais pas l'innocent ! J'étais tranquillement en train de surveiller Georges qui jouait dans le jardin et je t'ai vu embrasser mon mari sur la bouche ! Dans l'atelier, je vous ai vus par la fenêtre ! N'importe qui aurait pu passer par là et vous voir, de quoi aurais-je eu l'air ? C'est cruel, vous êtes cruels, sans-coeurs."
C'est vrai que parfois ils oubliaient de faire attention aux fenêtres... Au début ils faisaient attention à tout, lorsqu'ils étaient rentrés d'Europe, et puis les années avaient passées et personne ne s'était jamais douté de rien, alors l'attention s'était relâchée. Et voilà... Christian ne savait pas où se mettre. Marcel et lui avaient redouté ce jour, et il était finalement là.
Marcel avait entendu une dispute entre sa femme et son amant et avait accouru, il demanda à savoir ce qu'il se passait et Laura se fit un plaisir de déverser sa colère. Elle était une femme bafouée. Est-ce qu'ils étaient conscients qu'ils allaient aller en enfer au moins ?
Marcel resta étonnamment calme. C'était comme s'il avait attendu ce moment depuis des années et qu'il était prêt à l'affronter, comme un homme.
Il se tourna vers Christian et lui demanda de ramener les enfants à la maison, c'était une discussion qui ne regardait que Laura et lui.
"Tout d'abord, je suis désolé que tu l'aies appris Laura, j'espérais pouvoir te protéger de tout ça..."
"Tu es désolé parce que ça remet en cause toute petite vie bien réglée oui ! Depuis combien de temps me trompes-tu Marcel ?"
"Non, c'est faux, je suis réellement désolé de te mettre dans cette situation, parce que tu étais plus heureuse quand tu ne savais pas. Christian est malheureux, je suis malheureux, j'ai toujours pensé que tu ne méritais pas d'être malheureuse également..."
"Tu ne m'as pas répondu ! Depuis quand ?"
"Depuis... depuis la guerre Laura. Ecoute, je voudrais te demander une faveur... Je vais tout te raconter, mais j'aurais besoin que tu sois celle que tu as toujours été, ma meilleure amie. Ce n'est pas à Laura, la femme que j'ai épousé, que je veux dire tout ça, c'est à Laura, celle qui a toujours été à mes côtés depuis nos huit ans."
Laura soupira, elle n'avait pas vraiment de faveur à lui accorder, mais son coeur, bien que blessé, mourrait d'envie de pouvoir lui pardonner. Alors elle hocha la tête, sans mot dire. Et Marcel parla. Il lui dit tout ce qu'il avait dit à son frère et sa soeur, et plus encore.
"Je ne t'ai jamais menti sur mes sentiments pour toi Laura."
Et c'était vrai, du plus loin qu'elle se rappelait, Laura savait que Marcel ne lui avait jamais parlé d'amour. Il lui avait dit qu'elle était la seule femme avec laquelle il voulait partager sa vie, et ça n'était pas mentir... C'était elle qui lui parlait d'amour, et lui pour la rendre heureuse il la laissait faire.
"Je sais que ce n'est pas ce que tu attendais, mais c'est vrai quand je dis que tu es ma meilleure amie, on passe des moments formidables ensemble et si j'ai pensé un temps à rester en Europe, je ne l'ai pas fait. Je suis revenu pour toi Laura, toi et Suzanne, et j'aime notre petite vie de famille."
"Simplement ça ne te suffit pas..."
"Non, ça ne me suffit pas Laura."
Laura avait les larmes aux yeux.
"Moi je t'aime Marcel, je n'ai jamais aimé que toi."
"Je le sais... Et je ne t'abandonnerai jamais, ni toi, ni les enfants, c'est une promesse que j'ai fait en revenant au Canada. Quand je t'ai épousée, je ne savais pas ce qui n'allait pas chez moi. Je sentais que je n'étais pas normal et que ce mariage était quelque part une fraude, mais je l'ai fait quand même et j'assumerai cette décision toute ma vie. Je t'ai embarquée dans cette galère et tu n'as rien demandé."
"Ne dis jamais que quelque chose ne va pas chez toi Marcel, tu es tel que tu es c'est tout !"
"Ce n'est pas normal d'aimer les hommes quand on est un homme..."
"Ca fait partie de toi, qui sait, peut-être que je ne serais pas tombée amoureuse de toi si tu étais autrement ? Un de ces hommes qui courtisent toutes les femmes qui passent."
Ils restèrent très tard au parc, c'était la première fois depuis des années que Marcel pouvait parler à Laura en toute sincérité.
"C'est à toi de décider Laura, si tu ne supportes pas que Christian reste, je lui demanderai de partir. C'est ce que ça signifie quand je dis que je ne vous abandonnerai jamais."
"Ce n'est pas juste Marcel. Ce n'est pas juste de me laisser décider..."
"Quelque part ça l'est Laura, tu décides de l'homme que tu auras auprès de toi pour le restant de ta vie."
Ils restèrent là à ne rien dire pendant longtemps. Puis ils rentrèrent ensemble, toujours sans un mot.
Avant de passer la porte, Laura alla chercher Christian et lui dit de venir partager leur dîner. Pendant que la soupe mijotait, elle les entendait débattre du dernier livre qu'ils avaient lu. Ils étaient passionnés. Alors elle sut ce qu'elle avait à faire.
"Avec l'arrivée de Georges, la maison est devenue bien exigüe, nous allons avoir besoin d'une nouvelle chambre..." commença-t-elle
Marcel et Christian se regardèrent inquiets. Etait-ce sa façon de dire qu'elle voulait plus de Christian chez elle ?
"Je crois qu'il va falloir faire des travaux, mais Marcel n'y arrivera pas tout seul, voudrais-tu l'aider Christian ?"
Les deux hommes laissèrent éclater leur soulagement. Evidemment qu'ils allaient construire une nouvelle chambre pour Suzanne, et même pour Simone !
Laura sourit.
"Mon avis Christian, est que si tu pars Marcel ne sera jamais que l'ombre de lui-même. Ce n'est pas ce que je souhaite. Simplement, je ne veux pas que les enfants soient au courant, et je veux que Marcel rentre dîner et dormir avec moi tous les soirs. C'est à prendre ou à laisser."
Eh bien, que dire ? Ils prirent.
C'était comme si un poids énorme s'était envolés de leurs poitrines. Cette peur qui avait toujours été présente, celle du jour où la femme de Marcel allait tout apprendre... Voilà, c'était passé, et ils étaient toujours là. Elle leur avait même quasiment donné sa bénédiction ! Qu'est-ce qui risquait de les séparer maintenant, plus rien. C'était pour la vie, non ?
Comme souvent, Marcel s'assoupit auprès de Christian, mais il savait qu'il ne pouvait pas rester.
Et il ne manqua pas à sa promesse. Laura était bien la femme de sa vie. Elle avait compris, elle avait accepté malgré toute la peine que ça lui faisait. Elle savait qu'elle aurait pu se débarrasser de cet autre homme un peu encombrant, mais à quel prix ? Au moins comme ça, Marcel lui revenait chaque soir apaisé, heureux. Elle n'aurait pas supporté de le voir meurtri en sachant qu'elle était responsable d'avoir chassé l'homme de la vie de son mari. Après tout ils vivaient ainsi depuis longtemps déjà, pourquoi ne pas continuer ? N'était-ce pas ça l'amour, faire des concessions ? Laura acceptait l'histoire d'amour de son mari car elle ne voulait pas d'un Marcel malheureux, Marcel acceptait de dormir chaque nuit avec Laura pour pouvoir passer ses journées avec Christian. Christian acceptait de partager son homme pour ne pas le perdre.
pfiou, que dire? C'est un magnifique chapitre, plein d'émotion, très beau
Laura sait et Laura a décidé. Pour le bien de tout le monde, avec les meilleures intentions possibles et afin que ça soit le "plus facile" pour tout le monde.
Je ne sais pas, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur son choix puisque c'était à elle de choisir, évidemment, je n'attendais pas de Marcel qu'il montre du courage pour une fois C'est vraiment pour moi, l'illustration parfaite du "aimer quelqu'un au-delà de soi"
Il a mis du temps à venir, mais voilà les Meunier de retour !
@pytisa C'est tout-à-fait ça, aimer au-delà de soi. Je ne dirais pas que c'est de la lâcheté de la part de Marcel de laisser le choix sur les épaules de sa femme, mais c'est dur oui. Quelque part c'est juste, il a mis cartes sur table et il lui dit qu'il va rester avec elle, la possibilité de la quitter n'est pas là. Simplement elle choisit si elle veut un mari rien qu'à elle, mais malheureux, ou si elle veut le garder tel qu'il est et tel qu'elle l'aime. Sans Christian, Marcel ne sera plus cet homme un peu fantasque qui est son mari.
La vie sans majordome n'était pas très rose pour Odette. A elle la cuisine pour toute la famille...
Les lessives qui n'en finissaient jamais...
Et les enfants qui demandaient une attention de chaque instant...
Car le temps avait passé et Ernest et Léonard gambadaient maintenant sur deux petites pattes. Il aurait fallu trois paires d'yeux à Odette pour surveiller tous les bambins en même temps. Heureusement qu'elle n'en était pas à son coup d'essai !
Enfin, même si c'était des petites terreurs, ils savaient être adorables. C'est de la préservation ça, pour qu'on ne les noie pas dans le bain.
Jean et Madeleine, à leur habitude, étaient plutôt autonomes. Toujours ça de moins à faire pour leur mère.
Ils étaient complices ces deux-là, et Lucienne était un peu jalouse. On la faisait jouer avec les bébés alors qu'elle aurait voulu faire la grande avec les deux aînés. Mais ils ne semblaient pas prêter attention à elle. Pire, elle avait parfois l'impression que Madeleine lui glissait un petit regard narquois qui disait "Tu vois, Jean il s'intéresse à moi, et pas à toi ! Tu es trop petite."
Et puis très vite débarquaient les jumeaux, qui cherchaient leur soeur Lucienne. Elle jouait aux cubes bien mieux qu'eux.
C'est vrai que les deux grands avaient bien plus de choses à discuter, avec Suzanne par exemple. Leur cousine passait régulièrement après l'école.
Et puis quand les trois bambins étaient enfin nourris, lavés et couchés, Odette pouvait respirer. Une journée de plus de passée.
Que c'était reposant de jouer avec son grand garçon ! Avec Paul qui passait ses journées à travailler, Odette manquait parfois cruellement de conversation adulte.
Et puis il n'y avait pas que pour divertir sa mère que Jean était utile. Il apprenait à seconder son père dans les travaux de bricolage.
Enfin arriva le grand jour pour Lucienne, celui de rejoindre le clan des "grands" !
Noël arriva bien vite après, les enfants avaient pris plaisir à décorer la maison avec leur mère.
Et évidemment, le traditionnel sapin ! Fraîchement coupé par Paul et Jean le matin même en forêt. On ne plaisante pas avec les traditions !
"Y vient quand le pè' Noël Papa ?"
"Je ne sais pas mon petit Léonard, est-ce que tu as été bien sage ?"
"Léona' toujou' sage!"
"Ce n'est pas ce que ta mère m'a rapporté..."
Jean aussi entretenait le mystère du père Noël auprès de ses petites soeurs.
"C'est un vieux barbu tout habillé en bleu, mais attention, tu n'auras le droit de le voir que si tu as bien fait tes devoirs. Et si tu t'avises de cacher des méfaits, tu ne trouveras que des oranges dans ton paquet..."
Lucienne attendit fébrilement jusqu'au soir, avant de LE voir enfin. Il était bien venu, et avec des beaux jouets en bois pour les enfants !
La joie des enfants de deux à dix-sept ans était bien la même. La féérie de Noël opérait. Pour chacun un petit mot personnalisé qui accompagnait le présent.
"Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,
Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !"
On s'éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher...
On entrait !... Puis alors les souhaits... en chemise,
Les baisers répétés, et la gaîté permise !
- Arthur Rimbaud - Les étrennes des orphelins
Le bon vieux Papa Noël n'avait pas oublié non plus les enfants d'hier, et à Paul il apporta un beau violon flambant neuf. Paul se rappelait des Noëls de son enfance, et regardait avec joie les yeux de ses petits, étincelants comme les siens avant.
Il y a de ces jours, qui laissent dans la vie des enfants, des souvenirs qui ne faneront jamais. La chaleur du foyer, le bonheur d'être ensemble.
Mais comme tout ne saurait être doux et cotonneux, le soir vit arriver le courroux de Madeleine. On avait déménagé Lucienne dans sa chambre, fini pour la cadette les nuits dans la nurserie. Et ça, Madeleine ne le voulait pas. C'était SA chambre, et elle ne voulait pas y voir de bébé dedans. Lucienne eut beau protester qu'elle n'était plus un bébé, Madeleine restait intraitable et en appela aux parents.
Ce fut Paul qui réussit à faire coucher les deux filles dans leurs lits. Madeleine faisait la tête mais la voix du père avait parlé, et il n'était pas envisageable d'aller contre.
"Jean, je te promets qu'elle m'a empêché de dormir toute la nuit, elle suçait son pouce comme le petit bébé qu'elle est !"
"Tu devrais peut-être lui donner une chance Madeleine, Lucienne et toi devriez faire la paix..."
"Je n'ai pas le choix que de partager ma chambre avec elle, mais pour le reste, pas question qu'elle me colle !"
"Alors ma fille, ça c'est bien passé cette première nuit avec ta soeur ?"
"Oui oui Papa"
Lucienne, de son côté, préférait attendre que sa soeur ait fini de manger pour aller prendre son petit déjeuner. Instinct de protection !
Réponses
Ah je suis contente que Paul n'ait pas refusé l'opportunité qui se présentait à lui et ait choisi le violon
Hâte de découvrir les bb à venir
Je me suis régalée
Voilà la suite qui a mis du temps à venir. Je mets sous spoilers car c'est plus long que d'habitude !
Le temps continuait de filer à Newcrest, et voilà que la petite Madeleine soufflait ses bougies.
Terminée la période des langes et des cubes en bois, voici une bien jolie petite fille qui n'eut de cesse que d'admirer son père.
Il fallait avouer que les enfants étaient fiers ! Tous les gens qui fréquentaient l'opéra vantaient les mérites du nouveau musicien, Paul Meunier. Après sa maîtrise du violon, acquise depuis tout gamin, il s'attaquait au piano et faisait des merveilles. Mais, Jean et Madeleine restaient son plus fidèle auditoire.
Jean n'était pas fâché que sa petite soeur soit désormais capable d'avoir de vraies conversations avec lui. Ce n'était pas qu'il en avait assez d'entendre parler de sa couleur préférée, son animal préféré, mais c'était monotone quoi ! Avec les parents qui travaillaient beaucoup, c'était précieux de pouvoir compter l'un sur l'autre.
Les disparus étaient toujours là dans un coin de la tête. Odette se dit qu'il allait être temps de planter des fleurs sur la tombe d'Augustine, assorties à celles de Joseph, ou du buisson et de la robe de sa belle-fille ? Le dilemme était là.
Certes Odette passait du temps au restaurant où elle travaillait, mais il ne serait pas dit qu'elle n'était pas une mère présente pour ses enfants. Et quand il fallait les discipliner, elle n'hésitait jamais. Il ne manquerait plus que Jean et Madeleine deviennent de petits sauvages mal-élevés... Son travail, sa maison, ses enfants et sa troisième grossesse, Odette menait tout d'une main de maître.
Marcel et Germaine passaient plusieurs fois par semaine. Germaine avait eu son bébé, un petit James ! Elle avait eu besoin de sortir la tête des vagissements de nouveau-né et s'était naturellement retrouvée devant la maison de Paul. Marcel semblait presque toujours là, n'avait-il pas une famille lui aussi ? Paul avait regardé d'un air offusqué Christian qui n'avait même pas pris la peine de boutonner sa chemise. Germaine s'intéressait plus à Marcel que ça n'avait vraiment pas l'air de déranger.
C'était vrai que ces derniers temps, Marcel passait plus de temps chez Paul que chez lui, mais ce n'étaient pas les enfants qui allaient s'en plaindre. Avoir Tonton Marcel qui restait avec eux pour dîner quand leurs parents étaient partis travailler, ils adoraient !
Même s'ils n'étaient jamais seuls le soir depuis que le majordome avait emménagé. Enfin Nestor avait beau être gentil, ce n'était pas tout à fait pareil.
Parfois Marcel restait même jusqu'à ce que son frère et sa belle-soeur soient rentrés, bien après le coucher des enfants, juste pour veiller sur eux. Ce soir-là, il leur annonça que Laura attendait un troisième enfant elle aussi. Pour une raison inconnue, la nouvelle fâcha Paul.
"Et tu as l'intention de laisser Laura élever trois gosses toute seule ou tu vas être plus présent avec elle ?"
"Dis-donc Paul, tu es bien placé pour me faire des remarques, rappelle-moi qui s'est occupé de faire faire leurs devoirs à TES enfants ce soir ?"
"Ce n'est pas ce que je t'ai demandé je te signales ! J'apprécie que tu t'entendent bien avec Jean et Madeleine, mais n'oublies pas Suzanne et Simone. Quitter le domicile tu fais ça un peu trop bien."
"Mes histoires ne te regardent pas !"
"Et Christian, ça le regarde ?"
Marcel ne répondit pas et partit en claquant la porte. Odette soupira. Ces deux-là passaient leur temps à ne jamais être d'accord sur rien... C'était à se demander comment ils pouvaient toujours s'entendre l'un avec l'autre !
Evidemment, Odette et Paul profitaient des moindre moments avec les enfants. Si le dîner se passaient bien rarement en famille, le petit-déjeuner était un rendez-vous familial quotidien.
Et si chacun attendait avec impatience l'arrivée du cinquième membre de la famille, Madeleine espérait secrètement un petit frère. Elle voulait rester la seule fille chérie de son père.
En sortant de chez eux pour aller faire la connaissance du bébé de Germaine, Paul, Jean et Madeleine tombèrent sur Suzanne, la fille aînée de Marcel. C'était devenu une vraie jeune fille, et elle intimidait franchement Jean ! Eux qui avaient pourtant été amis depuis le berceau, ils avaient même grandi dans la même maison jusqu'aux 7 ans de Suzanne.
Suzanne s'amusa du trouble de son cousin.
"Enfin Jean, ce n'est que moi ! J'ai pris quelques centimètres, j'ai changé de coiffure, mais je suis toujours moi. Aller, détends-toi !"
Et effectivement c'était bien la même Suzanne, Jean rit à son tour et lui donna une chiquenaude.
"Tu viens jouer chez moi ?" demanda sa cousine
"Non, je ne peux pas, on va rencontrer le petit cousin James avec Papa !"
"Papa y est déjà ! Bon, demain alors !"
Les enfants coururent directement rencontrer James, dans les pas d'Howard. Marcel était au salon. Paul qui se retrouvait seul avec sa soeur décida d'en profiter pour partager ce qui le tourmentait depuis plusieurs jours.
"Tu sais que Laura est à nouveau enceinte."
"Oui, Marcel me l'a appris, c'est une belle nouvelle !"
"Je ne sais pas Germaine, j'ai un mauvais pressentiment, j'ai peur que Marcel ne fasse souffrir Laura..."
"De quoi parles-tu Paul ?"
"Je parle de Christian..."
Et l'air sérieux sur le visage de Germaine dit à Paul qu'elle voyait très bien de quoi il parlait.
"Tu te rends compte, l'autre jour chez Marcel, il prenait les mains de Christian et le regardait comme... comme je regarde ma femme !"
Germaine éclata de rire, et Paul se fâcha.
"Je ne plaisante pas, je te jure que je les ai vus !"
"Je sais Paul, mais franchement, je suis soulagée de plus être la seule à le savoir, c'est tout. Je ne compte plus les fois où je les ai vus s'embrasser lors des fêtes qu'Howard donne. Ils se croient discrets, mais franchement..."
"Mais alors... Tout le monde le sait ? Et Laura passe pour une idiote aux yeux de toute la ville ?"
"Non je ne crois pas Paul. Ce n'est pas si évident que ça, c'est juste que nous sommes suffisamment proches de notre frère pour voir les signes."
"Qu'allons-nous faire alors ?"
"Rien, Paul, nous n'allons rien faire. Ce ne sont pas nos affaires. Marcel semble heureux, c'est tout ce qui importe."
"Et Laura, Suzanne, Simone, le bébé à naître ?"
"Tu réfléchis trop Paul !"
"Je vais parler à mon frère !"
"Vas rencontrer mon fils avant !"
Oui, c'était pour ça qu'il était venu au final, alors il se dirigea vers la nursery. Paul avait toujours aimé les bébés, cette petite odeur de talc et de lait...
"Bienvenue dans la famille petit gars. Ce n'est pas simple tous les jours en revanche !"
Howard s'occupait des enfants et ils avaient l'air de bien s'amuser. Paul ne savait pas trop ce qu'il allait dire à son frère, mais il se sentait un devoir de lui parler. Alors il prit une grande inspiration et entra dans le salon, talonné par sa soeur.
Marcel semblait content de les voir. Paul décida de s'asseoir à ses côtés.
Paul ne savait pas comment aborder le sujet, alors il décida de ne pas y aller par quatre chemins.
"Marcel, ça va te paraître brutal, mais j'ai besoin d'une réponse. Est-ce que Christian et toi vous êtes... enfin, est-ce que vous êtes... amoureux l'un de l'autre ?"
Le visage décomposé de Marcel montra tout de suite que son frère et sa soeur avaient visé juste.
Ah ça non, il ne s'y était pas attendu...
"Je pensais que personne ne saurait jamais rien. Si les gens l'apprennent, nous allons avoir de gros ennuis ! Je vous en supplie, ne le dites à personne, on est toujours restés discrets !"
"On n'est pas là pour te dénoncer !" le rassura Paul "Mais explique-moi, j'ai besoin de comprendre..."
"Il n'y a rien à comprendre... Je n'ai jamais été amoureux de Laura je crois. Nous sommes de très bons amis tous les deux, mais je n'ai jamais ressenti d'amour pour elle. Quand j'ai eu 21 ans et que les parents m'ont dit qu'il fallait que je me maries, j'ai choisi la fille que j'aimais le mieux, celle avec laquelle il m'était possible de passer le restant de mes jours. Elle est gentille, drôle, on s'est toujours bien entendus, ce n'est pas un mensonge ! Simplement c'est à la guerre que j'ai compris, quand j'ai rencontré Christian, j'ai ressenti des sentiments inconnus. C'était ça l'amour finalement, ça que tu ressentais pour Odette, ce besoin d'être avec quelqu'un, cette impossibilité d'en être séparé. C'est quand je te voyais écrire à ta femme que j'ai compris que je n'étais pas amoureux de la mienne... Plus compliqué encore, ces sentiments je les avais enfin, mais pour un homme ! C'était inconcevable, je n'étais pas normal. Alors j'ai décidé de rester en Europe pour réfléchir, je ne savais pas quoi faire de moi. Et contre toute attente, j'ai découvert que Christian avait les mêmes sentiments que moi. Si tu savais à quel point ça m'a rendu heureux, j'étais si misérable auparavant ! Nous avons vécu des années formidables avec des gens qu'on ne choquait pas, le monde l'art, nous n'étions même pas les seuls, c'était fou. Et puis à nouveau j'ai été malheureux, Laura m'attendait, j'avais une fille que je ne connaissais pas, vous me manquiez. C'est Christian qui m'a convaincu de rentrer, il ne supportait plus de me voir dans cet état je crois. Nous avons décidé de rentrer ensemble et de vivre notre relation cachés. Il n'y avait pas d'autres moyens d'honorer mes responsabilités, celles que j'avais prises en me mariant comme Papa et Maman le voulaient. Laura n'avait rien demandé et ma fille non plus, je ne pouvais pas les abandonner, mais je ne rentrais pas de gaité de coeur. Et il n'était pas question de renoncer à cet amour que j'avais enfin découvert. C'était la seule façon, tu comprends !"
Paul était abasourdi.
"Toutes ces années, et tu ne nous a jamais rien dit ? Enfin Marcel, je croyais que nous étions proches ?!"
"Il fallait que personne ne sache Paul, même pas toi ! Et puis quand je suis rentré tu étais devenu ce chef de famille qui régentait et jugeait tout ! Honnêtement je ne pensais pas que tu comprendrais... Je croyais que tu trouverais notre histoire répugnante."
"Non, je ne comprends pas effectivement, et non je n'ai pas tellement envie d'y penser. Je ne suis pas à l'ai..."
Marcel se leva furieux et le coupa.
"Tu vois, c'est pour ça que je n'ai rien dit ! Je savais que tu trouverais ça abject, deux hommes ensemble ! Tu es fermé Paul ! Petit esprit, petite ville, et tu te crois plus intelligent que tout le monde !"
Ce fut au tour de Germaine d'intervenir, elle qui s'était tue depuis le début.
"Ce n'est pas ce que Paul a dit, Marcel, et je suis sûre que ce n'est pas ce qu'il pense !"
"J'étais certain que tu allais être mon côté Germaine, et c'est lui que tu défends ? Alors que je t'ai toujours soutenue quand tu étais amoureuse d'Howard et que notre hurluberlu de frère t'interdisait de le voir ? C'est la meilleure ça..."
"Ca suffit Marcel ! Je ne défends personne, je suis de votre côté à tous les deux, et j'aimerais qu'il s'agisse du même. Je t'aime et je veux que tu sois heureux, c'est vraiment tout ce qui m'importe. Paul t'a laissé parler sans te couper, je te demandes juste d'écouter ce qu'il a à te dire, sans t'énerver !"
"Merci Germaine" intervint Paul "Ce que je voulais dire, c'était effectivement à peu près la même chose. Je suis un peu vexé que tu ne m'aies pas fait assez confiance pour me raconter tout ça avant, mais je crois que je peux comprendre ton point de vue. Je ne suis pas toujours un homme facile à vivre, mais toi non plus ! Cependant, ça va au-delà d'imaginer deux hommes ensemble, ce que je ne souhaite pas faire... Je ne comprends pas que tes sentiments aillent vers un autre homme, mais je comprends l'amour que tu décris. Car je me rappelles bien de cette époque où Odette et moi nous aimions en secret de nos parents. Je ne crois pas qu'un rejet de leur part nous aurait empêcher de nous aimer, je pense que nous serions simplement partis nous aimer ailleurs. Alors, si la question est de savoir si j'ai l'intention de te rejeter à mon tour, la réponse est non."
Marcel se contenta de regarder son frère, sans un mot. Il ne s'était pas attendu à une acceptation de sa part, c'était une réelle surprise, et un soulagement. Oui, c'était fichtrement plus léger de savoir qu'il n'avait plus à mentir à son frère et sa soeur... Juste à sa femme, mais sa femme, il pensait bien qu'elle le savait au fond d'elle, même si elle n'en disait rien. D'ailleurs chaque fois qu'il pensait qu'elle avait deviné quelque chose, il lui faisait un bébé. Ca rend les femmes heureuses les bébés, non ? Enfin ça, Paul n'avait pas besoin de le savoir pour le moment, il risquerait tout de même de l'enguirlander ! Chaque chose en son temps...
Paul se leva, à cet instant, Marcel n'était plus le grand frère donneur de leçons, celui qui ne pensait qu'à lui et voulait attirer tous les regards. Il était à vif, toutes fragilités dehors, et Paul sentit le besoin de le rassurer, il lui ouvrit grands ses bras. Est-ce que c'était leur première vraie étreinte depuis l'adolescence ? La première sans secrets inavouables et vagues soupçons qui planaient au-dessus ? Oui tout-à-fait.
Sur ces serments silencieux, Paul alla récupérer ses enfants qui commençaient à s'agiter, il avait une femme, enceinte jusqu'aux yeux, à retrouver et à embrasser. Puisqu'eux avaient la chance de ne plus jamais avoir à se cacher.
Decade Challenge : Les Meunier à travers les âges (Terminé)
NSBC : La dynastie des Berrington (en cours)
Challenge Apocalypse : L'apocalypse des Bonnechance (MAJ selon mes humeurs)
Bouleversant, plein d'amour... et de regret aussi.
Je me demande si réellement Laura a saisi tout ça, et si oui comment elle vit ainsi, comment elle y arrive... Quelque part, j'espère que son mari se trompe et qu'elle ne sait rien et en même temps, je ne trouve pas juste qu'elle ne sache pas que son mari ne l'aime pas
Peut-être que je ferai un petit chapitre sur le foyer de Marcel, tiens ! Voir comment ça se passe et comment Laura et les filles ressentent la double vie de Marcel
@Jadis Merci beaucoup ! Peut-être peut-on se tutoyer ? C'est plus l'usage sur les forums
Decade Challenge : Les Meunier à travers les âges (Terminé)
NSBC : La dynastie des Berrington (en cours)
Challenge Apocalypse : L'apocalypse des Bonnechance (MAJ selon mes humeurs)
Juste un bémol : quelques anachronismes dans les costumes/coiffures d'époque. Mais l'histoire est si bien amenée qu'on passe au-dessus.
@pytisa Ah ah, je l'ai fait du coup ! Ce sera pour la prochaine MAJ, là j'ai encore d'autres screens à écouler !
Les deux enfants s'entendaient toujours aussi bien. C'était un vrai bonheur pour Paul qui savait bien tout ce que signifiait "pouvoir compter sur ses frères et soeur". A table, il avait bien du mal à en placer une.
Sauf quand il lui arrivait de manger en tête-à-tête avec Madeleine, sa fille le harcelait de questions sur l'orchestre, elle voulait tout savoir de ce que faisait son père lorsqu'il n'était pas à la maison.
Et puis à force d'être gonflée comme une montgolfière, Odette finit par donner naissance à une jolie petite fille. C'était une petite Lucienne, qui vint agrandir la famille Meunier.
Mais comme parfois une vie doit se troquer contre une autre, il arriva un terrible accident le jour-même. Le bon Nestor, qui prenait tant soin des enfants, s'électrocuta en essayant de réparer le gramophone cassé... Heureusement que Jean et Madeleine étaient à l'école et n'eurent pas à assister à ça.
Le petit incendie qui suivit n'était guère que matériel.
La maison canadienne des majordomes en envoya un nouveau immédiatement, Norbert, qui prit tout de suite ses fonctions très à coeur. Il n'avait pas l'air tout jeune, il fallait espérer qu'il n'allait pas passer l'arme à gauche à son tour...
Les enfants étaient évidemment très tristes de ce qui étaient arrivé, mais s'attachèrent très vite à Norbert. Il y avait des semaines où ils passaient plus de temps avec le majordome qu'avec leurs parents.
Mais peu importe l'heure tardive à laquelle ils rentraient, Paul et Odette allaient toujours s'assurer que Jean, Madeleine et Lucienne étaient bien bordés en arrivant.
Entre Norbert, Augustine et Joseph, on ne pouvait pas dire qu'Odette et Paul étaient débordés par les tâches ménagères. Ils avaient la chance de n'avoir guère qu'à profiter de leurs enfants pendant leur temps libre. C'était un vrai luxe et ils en étaient conscients.
C'est ainsi qu'une autre bonne nouvelle arriva. La famille allait s'agrandir à nouveau... Odette était un peu nerveuse d'avoir deux grossesses si rapprochées et de mettre au monde des enfants avec lesquels elle ne passait pas autant de temps qu'elle aurait dû.
Mais Paul était aux anges. Sa belle femme pouvait bien lui faire autant d'enfants qu'elle le voulait, il savait qu'ils seraient tous parfaits comme les premiers. Et puis ils avaient géré jusque là, ils allaient bien continuer, la machine était désormais bien huilée ! La confiance de Paul réconfortait un peu Odette. Oui finalement, pourquoi pas, un petit quatrième ?
Germaine passa les voir pour leur annoncer qu'elle était à son tour, à nouveau enceinte. A ce rythme-là, les Meunier allaient peupler le Canada tout entier ! Evidemment, cette grossesse fut bien mieux accueillie que la précédente.
Du côté des enfants, Jean était un petit homme studieux et indépendant. Il n'y avait jamais rien à redire.
Madeleine était un petit rayon de soleil, toujours souriant.
Et Lucienne... On ne savait pas encore trop ce que Lucienne serait, mais elle avait grandi bien vite et était prête à découvrir le monde sur ses deux petites jambes.
Puis arriva le jour de l'anniversaire de Jean. Marcel était venu pour soutenir son frère qui prenait un petit coup de vieux. Voir son petit garçon devenir grand, c'était tout de même une étape. Paul l'embrassa pour le féliciter, Laura avait mis au monde un petit garçon la nuit dernière, bienvenue au petit Georges. Après deux filles, ça allait leur changer à Marcel et Laura !
Et voilà notre grand Jean, qui essaie d'apprendre à jouer aux échecs avec sa soeur.
Odette se retrouva seule à la cuisine avec son beau-frère. Elle le félicita à son tour pour la naissance, et demanda des nouvelles de Laura. Odette était passée dans la matinée chez Marcel, voir si Laura avait besoin de quelque chose, et elle lui avait trouvé bien petit moral. Sûrement la fatigue de l'accouchement répondit Marcel, mais il se promit d'être plus attentif.
Il fit part de ses inquiétudes à son frère.
"Paul, as-tu dit quelque chose à ta femme à propos de notre conversation de l'autre jour?"
"Hein? Certainement pas, cela ne nous regarde pas, je ne crois pas qu'il soit bon d'ébruiter tout cela. Ce sont tes affaires Marcel, uniquement les tiennes."
"Merci... Odette dit que Laura lui a semblé triste ce matin, je n'ai rien vu. J'espère qu'elle se fait des idées, tout allait bien jusque-là !"
"Rentre chez toi Marcel, c'est gentil d'être venu pour l'anniversaire de Jean, mais il est temps que tu retrouves femme et enfants. Demande à ta femme comment elle se sent au lieu de te faire des idées. J'ai rencontré Mary au marché l'autre jour, elle me disait que leur père n'allait pas très bien. Peut-être que Laura s'inquiète pour lui."
"Tu as raison, je vais rentrer chez moi. Laura doit être épuisée de toutes manières."
En rentrant du travail quelques jours plus tard, Odette annonça qu'elle avait été licenciée. La crise avait finit par arriver à Newcrest, le fameux crash boursier de New York qui faisait effet boule de neige partout dans le monde. Tout le monde avait perdu plus ou moins d'argent et les entreprises se voyaient obligées de se séparer d'un certain nombre d'employés. C'était le cas d'Odette. Paul était confiant, ils allaient faire attention à leurs dépenses, mais ils s'en sortiraient, ils ne faisaient pas partie des familles les plus en difficultés. En revanche il prit la décision de se séparer de Norbert. Maintenant qu'Odette allait être à la maison toute la journée, ce n'était plus que dépense superflue !
Avec Lucienne si jeune encore, et le petit quatrième qui s'annonçait, c'était peut-être même une bonne chose qu'Odette se retrouve mère au foyer, elle ne risquait pas de s'ennuyer.
Madeleine avait bien compris ce que cela signifiait : toutes les tâches ménagères pour Maman, qui était déjà bien épuisée par sa grossesse. Jean restait assis, comme tout jeune homme qui se respecte, mais Madeleine mettait la main à la pâte. Solidarité féminine.
Et la nuit venue, voici notre Augustine, qui semble bien triste de ne pas avoir eu le temps de faire la connaissance de tous ses nombreux petits-enfants...
Quand vint le 11 novembre, Jean expliqua à sa soeur qu'il s'agissait d'un jour férié en France, là d'où ils venaient, pour célébrer l'armistice de 1918. Madeleine avait déjà entendu parler de la guerre, elle savait que son papa y avait été, mais c'était tout.
Jean lui raconta ce que Paul lui avait déjà raconté. Que grand-père, papa et oncle Marcel étaient tous partis se battre en France, avec oncle Maurice aussi, qui était le papa du cousin Jacques. Oncle Maurice était mort à la guerre. Jean lui, était né pendant cette guerre, pendant que papa était loin, Suzanne aussi. C'était beaucoup d'informations d'un coup pour Madeleine, qui trouvait cette histoire bien triste ! Papa avait un frère qui était mort ?!
Elle essaya de retranscrire tout ça pêle-mêle à sa petite soeur, qui ne sembla pas du tout voir où Madeleine voulait en venir !
Ce jour-là, les enfants n'allèrent pas à l'école, même si ce n'était pas férié au Canada. C'était le jour du souvenir, alors on se souvenait et on profitait de la famille qui nous restait, c'était tout.
Odette prenait de plus en plus de volume, Jean en était impressionné. Il avait beau savoir qu'il avait un jour été là lui aussi, ça paraissait tout à fait impossible. Sans parler d'imaginer comment sa mère allait faire sortir ce bébé qui prenait tant de place. Aaaargh, non, n'y pensons pas !
Odette n'avait pas peur de l'accouchement, c'était quand même le troisième ! Mais elle commençait à avoir hâte que la grossesse se termine, ça pesait lourd là-dedans !
Même si Paul était plein de sollicitude pour sa femme adorée, honnêtement, elle n'en pouvait plus !
"Tu sais mon chéri, je sais que tu as dit que tu voulais bien tous les bébés que je pourrais te faire, mais... Peut-être pourrait-on décider que celui-là pourrait être le dernier, non?"
"Tout ce que tu voudras ma femme chérie. Mais parfois les bébés ont tendance à venir sans prévenir... Ce qui est d'ailleurs le cas de celui-là. On pourrait... essayer de faire attention."
"Mais si je te regarde bien, je ne peux rien promettre tu sais !"
Devant le regard amoureux de son mari, Odette avait déjà fondu. Oui, ils pouvaient bien essayer de faire attention, mais ce serait un coup de chance qu'elle ne se retrouve pas à nouveau enceinte !
D'un autre côté, leur vie était belle, ils étaient toujours fous amoureux, ils avaient des enfants en bonne santé, une grande maison. De quoi se plaignait-elle ?
Ah... de ça peut-être ! Si Paul se mettait à lui des bébés par deux maintenant... Bienvenue à Ernest et Léonard, le petit quatrième qui se trouve accompagné du petit cinquième. Bon courage Odette !
Il semblerait que Lucienne ait hâte de jouer avec ses petits frères !
Il n'est pas beau ce grand Jean ? Je sens que je vais avoir du mal à choisir mon prochain héritier moi ! Enfin on verra qui survit à la prochaine guerre déjà, ne mettons pas la charrue avant les boeufs.
Decade Challenge : Les Meunier à travers les âges (Terminé)
NSBC : La dynastie des Berrington (en cours)
Challenge Apocalypse : L'apocalypse des Bonnechance (MAJ selon mes humeurs)
Un petit garçon était né chez Marcel et Laura, on l'avait prénommé Georges et il était chéri de ses soeurs et ses parents. Suzanne était maintenant assez grande pour aider sa mère, et c'était grandement apprécié.
Ils avaient une petite vie tranquille, Laura s'occupait de sa maison et les filles lui tenaient compagnie pendant que Marcel travaillait dans l'annexe. Il passait des heures à peindre pendant que Christian composait sa musique. Parfois il passait aussi de longues journées dehors pour aller vendre ses tableaux à des marchands d'art. Et quand il rentrait, il retrouvait une chaleureuse maisonnée bien tenue et des petites filles souriantes.
Il ne voyait pas toujours les heures passer, concentré sur son travail, alors une fois le dîner sur la table, Laura allait le chercher dans l'atelier.
La déception était évidente sur son visage lorsqu'elle se rendait compte qu'il ne viendrait pas dîner avec ses trois petites femmes ce soir. La plupart du temps ils avaient une petite vie de famille parfaite, mais pas toujours... Et ce soir, Marcel avait visiblement décidé de rester dîner avec son ami Christian, qui vivait sur leur terrain mais à qui on avait aménagé un petit appartement privatif à l'étage de l'annexe qui servait d'atelier à Marcel.
Les deux hommes passionnés par leur art étaient parfois dans leur petit monde où personne ne pouvait réellement les atteindre. Et il arrivait à Marcel d'oublier que sa famille l'attendait avec impatience dans la maison.
Alors les femmes de la famille dînaient sans leur homme, et Laura essayait de détendre l'atmosphère pour que ses filles oublient leur déception...
Suzanne et Simone vouaient un amour sans limite à leur père, il était leur héros, comme pour beaucoup de petites filles. Lorsqu'elles rentraient de l'école, il n'était pas rare qu'elles le rejoignent à l'atelier pour faire leurs devoirs et passer du temps avec lui. Parfois il y était seul, souvent il y avait Christian ou l'oncle Paul.
C'était toujours des moments plein de joies et de vie lorsque les filles étaient à l'atelier, elles remplissaient la pièce de leurs rires. Christian avait beaucoup d'affection pour ces enfants qu'il avait vu grandir. Il prenait volontiers de son temps pour leur enseigner la musique.
L'atelier, c'était ce petit endroit préservé, un peu hors du monde. C'était comme si on y autorisait tout un tas de choses, et ça ne sortirait jamais de ces quatre murs. Comme boire des jus de fruits pour adultes alors que Suzanne n'était pas encore majeure. Mais personne ne disait rien.
C'était un nid douillet et plein d'amour, qui inspirait la création de superbes oeuvres d'art.
Et lorsque les filles rentraient dans la maison pour aller jouer avec Georges, ou raconter leur journée à leur mère, avant de retrouver son foyer Marcel passait un peu de temps à l'étage avec Christian, et là aussi c'était plein d'amour.
Parfois le temps filait et il s'endormait à côté de l'amour de sa vie, car oui c'était bien ce que c'était. Dans cet endroit il n'y avait plus qu'eux deux. Parfois il s'endormait simplement après avoir passé du bon temps dans le lit de Christian, mais souvent il s'assoupissait juste après avoir passé des heures à refaire le monde. Et Christian le laissait dormir un peu juste pour le plaisir d'entendre sa respiration paisible à côté de lui. Et puis il le réveillait.
Car jamais Marcel n'y passait la nuit. Quand il rentrait très tard, il ne manquait jamais d'aller embrasser ses filles.
Avant d'aller se coucher auprès de sa femme qui l'attendait.
Et puis vint ce jour tant redouté où Laura apprit le décès de son père, il était bien vieux et veuf depuis des années. Elle savait que ça allait arriver un jour, mais ça n'était pas moins douloureux.
Marcel fut vraiment attristé par cette nouvelle, il aimait beaucoup Charles et savait toute l'affection que Laura lui portait. Désormais il était le seul homme de la vie de Laura. Il n'était peut-être pas toujours à la hauteur mais il savait qu'il allait être là pour elle. La vie de Marcel était compliquée, cependant il aimait sincèrement sa femme. Peut-être pas de cet amour qui lie habituellement mari et femme, mais elle restait une part importante de sa vie.
Laura avait un mari parfois un peu absent, absorbé par d'autres choses qu'elle ne comprenait pas toujours. Il rêvait peut-être souvent de voyages, d'Europe, mais il était là auprès d'eux, chaque matin il se réveillait à ses côtés. Et elle savait qu'elle pouvait compter sur lui. Se serrer contre son Marcel, ça lui donnait la force d'avancer lorsque la vie n'était pas tout à fait ce à quoi elle avait aspiré.
C'était un coup dur pour les filles aussi qui perdaient leur dernier grand-parent. Aujourd'hui, Marcel savait qu'il n'irait pas à l'atelier, il allait endosser le costume qu'il oubliait souvent au placard, celui de chef de famille.
Car Marcel savait être un formidable homme de la maison lorsqu'il s'en donnait la peine. Ce n'était juste pas la vie à laquelle il avait rêvé. Mais c'était celle qu'il avait. Et l'amour qu'il portait à Laura, Suzanne, Simone et Georges faisait qu'il arrivait à s'en accommoder.
Georges avait bien grandi et réclamait à son tour l'attention de Papa.
Marcel pouvait être fier de sa famille, il avait fait trois gentils enfants.
Pendant l'enterrement de Charles, Christian était venu garder le petit Georges. Il se tenait en retrait mais sentait la tristesse qui régnait ces jours-ci dans le foyer, il ne pouvait pas faire grand chose alors pour se sentir utile, il rangea la maison.
Les soeurs de Laura vinrent passer la fin de journée chez elle, c'était dur pour les trois. Mais c'était bien de se retrouver ensemble et de se souvenir de leurs jours heureux d'enfants. Charles avait été un père formidable.
Carrie allait être maman pour la première fois, la vie continuait c'était toujours ainsi...
Les petits, c'était toujours ce qui aidait à continuer lors de la perte d'un être aimé, Suzanne aussi l'avait bien compris et les rires de son petit frère étaient un vrai baume sur son coeur blessé.
Marcel était sorti quelques minutes. Jouer à l'homme fort pour protéger ceux qu'il aimait avait épuisé toutes ses forces ces derniers jours. Il avait besoin de respirer. Il regarda par la fenêtre de la chambre des enfants, tout était sous contrôle, il pouvait s'échapper un peu.
Il aurait pu aller prendre un verre chez Marcel ou Germaine, mais ce n'était pas de ce réconfort-là qu'il avait besoin. Il voulait quelqu'un qui le prenne dans ses bras, l'embrasse et lui dise qu'il pouvait à son tour laisser aller sa peine.
Et parfois évacuer le chagrin de la perte de quelqu'un prenait des formes un peu inattendues. Mais personne n'était là pour juger.
Et au petit-déjeuner Marcel se sentait à nouveau capable d'être l'épaule sur laquelle sa famille pouvait s'appuyer.
Laura et Marcel passèrent du temps avec Suzanne, elle avait besoin de parler de son grand-père. Elle s'était réfugiée dans le déni en s'occupant de Georges, mais tout ça la rattrapait. Ses parents lui expliquèrent qu'il était important de laisser son chagrin s'exprimer, même si c'était douloureux, qu'ils étaient là pour elle si elle avait besoin. C'était important de les voir faire front commun pour aider leur fille.
Christian était passé chercher un livre et il trouva Marcel et Laura en grande discussion.
"Tu te souviens de ton père à notre mariage ?"
"Il était venu torse-nu ! Je ne sais pas ce qu'il lui a pris..."
"Tu étais furieuse !"
"Il y avait de quoi. Et puis j'ai fini par comprendre que c'était tout lui, n'attacher aucune importance à ce qu'on portait mais être présent. Il était tellement heureux de me voir m'installer. Tu sais, Papa t'a toujours trouvé un peu excentrique, mais il savait que tu prenait bien soin de ta famille et il t'aimait pour ça."
Christian n'avait absolument aucun droit d'être jaloux de Laura, elle était la femme de Marcel, elle avait tous les droits. C'était plutôt Laura qui aurait pu être jalouse si elle avait su que l'endroit où son mari était le plus heureux était dans les bras de Christian. Mais parfois il était tout de même un peu jaloux. Jaloux de cette complicité qui les unissait depuis l'enfance, qu'ils pouvaient montrer au grand jour. Il prit son livre et parti discrètement dans l'atelier, le coeur lourd.
Ils ne l'avaient même pas vu...
Il n'y avait rien de feint dans cette affection qui les liait. Elle avait commencé il y a des années, lorsqu'ils avaient huit ans et se faisaient des blagues en rentrant de l'école, et elle perdurait.
Si Marcel n'avait jamais rencontré Christian, il aurait sûrement cru que c'était ça l'amour, de pouvoir rire de tout avec quelqu'un et de partager des moments que personne d'autre ne pouvait comprendre. Oui, si seulement il n'avait pas découvert qu'il existait autre chose, quelque chose qui faisait exploser son coeur en mille feux d'artifices, qui parfois lui donnait envie de tout plaquer et de s'enfuir à deux très loin.
Christian faisait ce même rêve de temps à autre, il en sortait des mélodies incroyables, qui faisaient battre son coeur plus fort. Des requiem parfois aussi, lorsqu'il s'endormait seul une fois de plus. Ce n'était pas ça le bonheur, mais est-ce qu'ils avaient le choix ?
Decade Challenge : Les Meunier à travers les âges (Terminé)
NSBC : La dynastie des Berrington (en cours)
Challenge Apocalypse : L'apocalypse des Bonnechance (MAJ selon mes humeurs)
Qu'elle est mignonne, la petite Lucienne
J'ai vraiment beaucoup aimé le jour du souvenir et le partage sur la passé des aînés aux plus petits. C'était très émouvant
Un superbe chapitre et ah oui, j'oubliais, c'est sûr qu'il est bien beau ce grand Jean
Le chapitre 24 est époustouflant. J'ai adoré ces destins croisés qui pourtant vivent sous un même toit, ces amours qui se vivent en parallèle. Ne rien savoir, c'est l'illusion du bonheur mais sans doute est-ce mieux que la réalité de la trahison si Laura savait...
Voilà donc la deuxième et dernière partie du HS chez Marcel et Laura (et Christian)
Le temps avait passé et les blessures étaient moins vives. Ce jour-là c'était dimanche, jour à passer en famille par excellence.
Et la famille répondit présente. Jean n'avait pas eu beaucoup de temps pour venir réconforter sa cousine et confidente de toujours, mais il comptait bien se rattraper.
Tante Germaine était là aussi, pour dérider les enfants il n'y avait pas meilleure qu'elle !
Suzanne avait tout un tas de choses à demander à son cousin. Elle essayait discrètement d'obtenir des informations sur un de ses amis, mais évidemment Jean n'était pas dupe. Suzanne s'intéressait à un garçon...
Simone les avait entendus rire un peu fort et elle aussi voulait être dans la confidence, elle essaya de faire parler son cousin. Mais Jean ne lâcha rien.
"On en reparlera quand tu seras plus grande !" se moqua-t-il
Non mais il n'allait pas trahir Suzanne non plus !
Il n'y a pas de jour chômé quand on est artiste et Marcel et Christian avaient passé toute la matinée à l'atelier. Tout à coup Marcel entendit Laura s'emporter dehors, il sortit voir ce qu'il se passait.
Elle passait un savon à Georges qui se comportait mal. Quand Marcel la questionna pour savoir ce qui lui prenait, elle qui restait toujours si calme, elle lui décocha un regard noir. Georges ne comprenait rien et Marcel non plus, alors il proposa un après-midi au parc, pour détendre tout le monde.
Simone était ravie de jouer avec sa cousine Madeleine.
Howard, le mari de Germaine les avait rejoint également. C'était bien d'habiter une petite ville, ils n'étaient jamais bien loin les uns des autres. Mais Laura était toujours tendue, elle décida de partir s'isoler. Elle connaissait mal Howard, ce n'était sûrement pas à lui qu'elle allait se confier ! D'ailleurs, il y avait-il quelqu'un à qui elle pouvait confier ce qu'elle avait vu ?
Ne se doutant pas de la tempête qui ne demandait qu'à lui tomber dessus, Marcel passait innocemment du bon temps avec ses enfants. Ce qu'il pouvait être aveugle parfois...
Christian, lui, avait bien remarqué que quelque chose ne tournait pas rond avec Laura. Lorsqu'il la vit s'éloigner du reste de la famille, il décida de la suivre. Elle n'était pas dans son assiette, il ne savait pas pourquoi mais peut-être avait-elle envie de se confier ? Il ne l'avait jamais vu comme une rivale, elle et lui ne se battaient pas pour la même place dans le coeur de Marcel, et puis d'ailleurs elle n'était au courant de rien. Normalement.
Enfin, c'était ce qu'il croyait... Car Laura n'était pas ravie de le voir arriver, il était même la dernière personne qu'elle voulait voir ! Et elle, d'habitude si calme et souriante, décida de le lui dire.
"Je ne veux plus de toi chez moi Christian ! Je t'ai accueilli pendant des années et je m'aperçois que je suis le dindon de la farce !"
"Je... enfin, je ne vois pas de quoi tu parles..."
"Ne fais pas l'innocent ! J'étais tranquillement en train de surveiller Georges qui jouait dans le jardin et je t'ai vu embrasser mon mari sur la bouche ! Dans l'atelier, je vous ai vus par la fenêtre ! N'importe qui aurait pu passer par là et vous voir, de quoi aurais-je eu l'air ? C'est cruel, vous êtes cruels, sans-coeurs."
C'est vrai que parfois ils oubliaient de faire attention aux fenêtres... Au début ils faisaient attention à tout, lorsqu'ils étaient rentrés d'Europe, et puis les années avaient passées et personne ne s'était jamais douté de rien, alors l'attention s'était relâchée. Et voilà... Christian ne savait pas où se mettre. Marcel et lui avaient redouté ce jour, et il était finalement là.
Marcel avait entendu une dispute entre sa femme et son amant et avait accouru, il demanda à savoir ce qu'il se passait et Laura se fit un plaisir de déverser sa colère. Elle était une femme bafouée. Est-ce qu'ils étaient conscients qu'ils allaient aller en enfer au moins ?
Marcel resta étonnamment calme. C'était comme s'il avait attendu ce moment depuis des années et qu'il était prêt à l'affronter, comme un homme.
Il se tourna vers Christian et lui demanda de ramener les enfants à la maison, c'était une discussion qui ne regardait que Laura et lui.
"Tout d'abord, je suis désolé que tu l'aies appris Laura, j'espérais pouvoir te protéger de tout ça..."
"Tu es désolé parce que ça remet en cause toute petite vie bien réglée oui ! Depuis combien de temps me trompes-tu Marcel ?"
"Non, c'est faux, je suis réellement désolé de te mettre dans cette situation, parce que tu étais plus heureuse quand tu ne savais pas. Christian est malheureux, je suis malheureux, j'ai toujours pensé que tu ne méritais pas d'être malheureuse également..."
"Tu ne m'as pas répondu ! Depuis quand ?"
"Depuis... depuis la guerre Laura. Ecoute, je voudrais te demander une faveur... Je vais tout te raconter, mais j'aurais besoin que tu sois celle que tu as toujours été, ma meilleure amie. Ce n'est pas à Laura, la femme que j'ai épousé, que je veux dire tout ça, c'est à Laura, celle qui a toujours été à mes côtés depuis nos huit ans."
Laura soupira, elle n'avait pas vraiment de faveur à lui accorder, mais son coeur, bien que blessé, mourrait d'envie de pouvoir lui pardonner. Alors elle hocha la tête, sans mot dire. Et Marcel parla. Il lui dit tout ce qu'il avait dit à son frère et sa soeur, et plus encore.
"Je ne t'ai jamais menti sur mes sentiments pour toi Laura."
Et c'était vrai, du plus loin qu'elle se rappelait, Laura savait que Marcel ne lui avait jamais parlé d'amour. Il lui avait dit qu'elle était la seule femme avec laquelle il voulait partager sa vie, et ça n'était pas mentir... C'était elle qui lui parlait d'amour, et lui pour la rendre heureuse il la laissait faire.
"Je sais que ce n'est pas ce que tu attendais, mais c'est vrai quand je dis que tu es ma meilleure amie, on passe des moments formidables ensemble et si j'ai pensé un temps à rester en Europe, je ne l'ai pas fait. Je suis revenu pour toi Laura, toi et Suzanne, et j'aime notre petite vie de famille."
"Simplement ça ne te suffit pas..."
"Non, ça ne me suffit pas Laura."
Laura avait les larmes aux yeux.
"Moi je t'aime Marcel, je n'ai jamais aimé que toi."
"Je le sais... Et je ne t'abandonnerai jamais, ni toi, ni les enfants, c'est une promesse que j'ai fait en revenant au Canada. Quand je t'ai épousée, je ne savais pas ce qui n'allait pas chez moi. Je sentais que je n'étais pas normal et que ce mariage était quelque part une fraude, mais je l'ai fait quand même et j'assumerai cette décision toute ma vie. Je t'ai embarquée dans cette galère et tu n'as rien demandé."
"Ne dis jamais que quelque chose ne va pas chez toi Marcel, tu es tel que tu es c'est tout !"
"Ce n'est pas normal d'aimer les hommes quand on est un homme..."
"Ca fait partie de toi, qui sait, peut-être que je ne serais pas tombée amoureuse de toi si tu étais autrement ? Un de ces hommes qui courtisent toutes les femmes qui passent."
Ils restèrent très tard au parc, c'était la première fois depuis des années que Marcel pouvait parler à Laura en toute sincérité.
"C'est à toi de décider Laura, si tu ne supportes pas que Christian reste, je lui demanderai de partir. C'est ce que ça signifie quand je dis que je ne vous abandonnerai jamais."
"Ce n'est pas juste Marcel. Ce n'est pas juste de me laisser décider..."
"Quelque part ça l'est Laura, tu décides de l'homme que tu auras auprès de toi pour le restant de ta vie."
Ils restèrent là à ne rien dire pendant longtemps. Puis ils rentrèrent ensemble, toujours sans un mot.
Avant de passer la porte, Laura alla chercher Christian et lui dit de venir partager leur dîner. Pendant que la soupe mijotait, elle les entendait débattre du dernier livre qu'ils avaient lu. Ils étaient passionnés. Alors elle sut ce qu'elle avait à faire.
"Avec l'arrivée de Georges, la maison est devenue bien exigüe, nous allons avoir besoin d'une nouvelle chambre..." commença-t-elle
Marcel et Christian se regardèrent inquiets. Etait-ce sa façon de dire qu'elle voulait plus de Christian chez elle ?
"Je crois qu'il va falloir faire des travaux, mais Marcel n'y arrivera pas tout seul, voudrais-tu l'aider Christian ?"
Les deux hommes laissèrent éclater leur soulagement. Evidemment qu'ils allaient construire une nouvelle chambre pour Suzanne, et même pour Simone !
Laura sourit.
"Mon avis Christian, est que si tu pars Marcel ne sera jamais que l'ombre de lui-même. Ce n'est pas ce que je souhaite. Simplement, je ne veux pas que les enfants soient au courant, et je veux que Marcel rentre dîner et dormir avec moi tous les soirs. C'est à prendre ou à laisser."
Eh bien, que dire ? Ils prirent.
C'était comme si un poids énorme s'était envolés de leurs poitrines. Cette peur qui avait toujours été présente, celle du jour où la femme de Marcel allait tout apprendre... Voilà, c'était passé, et ils étaient toujours là. Elle leur avait même quasiment donné sa bénédiction ! Qu'est-ce qui risquait de les séparer maintenant, plus rien. C'était pour la vie, non ?
Comme souvent, Marcel s'assoupit auprès de Christian, mais il savait qu'il ne pouvait pas rester.
Et il ne manqua pas à sa promesse. Laura était bien la femme de sa vie. Elle avait compris, elle avait accepté malgré toute la peine que ça lui faisait. Elle savait qu'elle aurait pu se débarrasser de cet autre homme un peu encombrant, mais à quel prix ? Au moins comme ça, Marcel lui revenait chaque soir apaisé, heureux. Elle n'aurait pas supporté de le voir meurtri en sachant qu'elle était responsable d'avoir chassé l'homme de la vie de son mari. Après tout ils vivaient ainsi depuis longtemps déjà, pourquoi ne pas continuer ? N'était-ce pas ça l'amour, faire des concessions ? Laura acceptait l'histoire d'amour de son mari car elle ne voulait pas d'un Marcel malheureux, Marcel acceptait de dormir chaque nuit avec Laura pour pouvoir passer ses journées avec Christian. Christian acceptait de partager son homme pour ne pas le perdre.
Ce n'était pas parfait, mais quelle vie l'est ?
Decade Challenge : Les Meunier à travers les âges (Terminé)
NSBC : La dynastie des Berrington (en cours)
Challenge Apocalypse : L'apocalypse des Bonnechance (MAJ selon mes humeurs)
Laura sait et Laura a décidé. Pour le bien de tout le monde, avec les meilleures intentions possibles et afin que ça soit le "plus facile" pour tout le monde.
Je ne sais pas, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur son choix puisque c'était à elle de choisir, évidemment, je n'attendais pas de Marcel qu'il montre du courage pour une fois
@pytisa C'est tout-à-fait ça, aimer au-delà de soi. Je ne dirais pas que c'est de la lâcheté de la part de Marcel de laisser le choix sur les épaules de sa femme, mais c'est dur oui. Quelque part c'est juste, il a mis cartes sur table et il lui dit qu'il va rester avec elle, la possibilité de la quitter n'est pas là. Simplement elle choisit si elle veut un mari rien qu'à elle, mais malheureux, ou si elle veut le garder tel qu'il est et tel qu'elle l'aime. Sans Christian, Marcel ne sera plus cet homme un peu fantasque qui est son mari.
@Solo19870 Eh bien la voilà !
La vie sans majordome n'était pas très rose pour Odette. A elle la cuisine pour toute la famille...
Les lessives qui n'en finissaient jamais...
Et les enfants qui demandaient une attention de chaque instant...
Car le temps avait passé et Ernest et Léonard gambadaient maintenant sur deux petites pattes. Il aurait fallu trois paires d'yeux à Odette pour surveiller tous les bambins en même temps. Heureusement qu'elle n'en était pas à son coup d'essai !
Enfin, même si c'était des petites terreurs, ils savaient être adorables. C'est de la préservation ça, pour qu'on ne les noie pas dans le bain.
Jean et Madeleine, à leur habitude, étaient plutôt autonomes. Toujours ça de moins à faire pour leur mère.
Ils étaient complices ces deux-là, et Lucienne était un peu jalouse. On la faisait jouer avec les bébés alors qu'elle aurait voulu faire la grande avec les deux aînés. Mais ils ne semblaient pas prêter attention à elle. Pire, elle avait parfois l'impression que Madeleine lui glissait un petit regard narquois qui disait "Tu vois, Jean il s'intéresse à moi, et pas à toi ! Tu es trop petite."
Et puis très vite débarquaient les jumeaux, qui cherchaient leur soeur Lucienne. Elle jouait aux cubes bien mieux qu'eux.
C'est vrai que les deux grands avaient bien plus de choses à discuter, avec Suzanne par exemple. Leur cousine passait régulièrement après l'école.
Et puis quand les trois bambins étaient enfin nourris, lavés et couchés, Odette pouvait respirer. Une journée de plus de passée.
Que c'était reposant de jouer avec son grand garçon ! Avec Paul qui passait ses journées à travailler, Odette manquait parfois cruellement de conversation adulte.
Et puis il n'y avait pas que pour divertir sa mère que Jean était utile. Il apprenait à seconder son père dans les travaux de bricolage.
Enfin arriva le grand jour pour Lucienne, celui de rejoindre le clan des "grands" !
Noël arriva bien vite après, les enfants avaient pris plaisir à décorer la maison avec leur mère.
Et évidemment, le traditionnel sapin ! Fraîchement coupé par Paul et Jean le matin même en forêt. On ne plaisante pas avec les traditions !
"Y vient quand le pè' Noël Papa ?"
"Je ne sais pas mon petit Léonard, est-ce que tu as été bien sage ?"
"Léona' toujou' sage!"
"Ce n'est pas ce que ta mère m'a rapporté..."
Jean aussi entretenait le mystère du père Noël auprès de ses petites soeurs.
"C'est un vieux barbu tout habillé en bleu, mais attention, tu n'auras le droit de le voir que si tu as bien fait tes devoirs. Et si tu t'avises de cacher des méfaits, tu ne trouveras que des oranges dans ton paquet..."
Lucienne attendit fébrilement jusqu'au soir, avant de LE voir enfin. Il était bien venu, et avec des beaux jouets en bois pour les enfants !
La joie des enfants de deux à dix-sept ans était bien la même. La féérie de Noël opérait. Pour chacun un petit mot personnalisé qui accompagnait le présent.
"Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,
Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !"
On s'éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher...
On entrait !... Puis alors les souhaits... en chemise,
Les baisers répétés, et la gaîté permise !
- Arthur Rimbaud - Les étrennes des orphelins
Le bon vieux Papa Noël n'avait pas oublié non plus les enfants d'hier, et à Paul il apporta un beau violon flambant neuf. Paul se rappelait des Noëls de son enfance, et regardait avec joie les yeux de ses petits, étincelants comme les siens avant.
Il y a de ces jours, qui laissent dans la vie des enfants, des souvenirs qui ne faneront jamais. La chaleur du foyer, le bonheur d'être ensemble.
Mais comme tout ne saurait être doux et cotonneux, le soir vit arriver le courroux de Madeleine. On avait déménagé Lucienne dans sa chambre, fini pour la cadette les nuits dans la nurserie. Et ça, Madeleine ne le voulait pas. C'était SA chambre, et elle ne voulait pas y voir de bébé dedans. Lucienne eut beau protester qu'elle n'était plus un bébé, Madeleine restait intraitable et en appela aux parents.
Ce fut Paul qui réussit à faire coucher les deux filles dans leurs lits. Madeleine faisait la tête mais la voix du père avait parlé, et il n'était pas envisageable d'aller contre.
"Jean, je te promets qu'elle m'a empêché de dormir toute la nuit, elle suçait son pouce comme le petit bébé qu'elle est !"
"Tu devrais peut-être lui donner une chance Madeleine, Lucienne et toi devriez faire la paix..."
"Je n'ai pas le choix que de partager ma chambre avec elle, mais pour le reste, pas question qu'elle me colle !"
"Alors ma fille, ça c'est bien passé cette première nuit avec ta soeur ?"
"Oui oui Papa"
Lucienne, de son côté, préférait attendre que sa soeur ait fini de manger pour aller prendre son petit déjeuner. Instinct de protection !
Decade Challenge : Les Meunier à travers les âges (Terminé)
NSBC : La dynastie des Berrington (en cours)
Challenge Apocalypse : L'apocalypse des Bonnechance (MAJ selon mes humeurs)
Chris CréationsSims *** YouTube *** Twitter *** Facebook Chris CréationsSims *** L'UniverSims